On parle aujourd’hui, de plus en plus, du Maroc atlantique. Cette donne est-elle nouvelle ou s’inscrit-elle dans une longue histoire ? Et qu’en est-il alors de la profondeur méditerranéenne du royaume ? Zamane fait le tour de ces questions à l’intérêt historique, mais aux résonnances ô combien historiques.
Historiquement parlant, peut-on considérer l’Empire chérifien comme un pays atlantique ou un pays méditerranéen ?
Les deux à la fois. Cet empire s’inscrit dans le prolongement de Jazirat al-Maghrib, «l’île du Maroc», ainsi que l’ont dénommé les historiens et géographes arabes. En effet, le Maroc apparaît déjà dans les cartes médiévales, et celles-ci tracent bien cette insularité entre trois mers ; celle de la Méditerranée, celle de l’Atlantique et celle du Sahara. Elles sont complémentaires l’une de l’autre.
Avec l’arrivée des Portugais, puis des Espagnols sur les côtes marocaines, peut-on parler de rupture maritime dans l’histoire du Maroc ?
Clairement non. Il y a sans aucun doute une réorientation. Les littoraux marocains ont depuis longtemps été occupés. En témoignent les sanctuaires phéniciens. Tenez par exemple Sidi Bouzid. En tamazight, le nom renvoie à Poséidon, le dieu de la mer dans la mythologie antique. Ensuite les Berbères vont traverser l’Atlantique pour aller peupler les îles Canaries, bien avant l’arrivée des Espagnols. Il y a donc manifestement une activité maritime marocaine ancienne. Comme je l’ai déjà annoncé, Jazirat al-Maghrib est déjà cartographié au XIIème siècle de notre ère par le géographe arabe Al-Idrissi né à Cordoue. Donc Al-Andalus n’est pas absent dans la dimension atlantique du Maroc. En somme, les Portugais vont transformer le littoral en le parsemant de forteresses. Ils vont utiliser du blé et des chevaux de Doukkala pour l’échanger avec de la poudre d’or en provenance du Soudan. Il y a donc ici une complémentarité entre la Méditerranée et l’Atlantique. Autre exemple : l’île de Madère. Les Portugais vont y cultiver la canne à sucre. Les travailleurs seront des captifs en provenance de la «meseta» marocaine, située entre le Moyen Atlas et la côte atlantique. Ceci est largement documenté par l’historien Robert Ricard, mais aussi Antonio Mendez.
Propos recueillis par Farid Bahri
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