Quel regard les Marocains portent-ils sur leurs corps ? Si aujourd’hui le débat sur cette question sociétale fait rage qu’on est-il de son développement à travers l’histoire? Nos ancêtres nourrissaient-ils déjà les mêmes complexes ? Bien que nous ne soyons pas à un paradoxe près, la question de la représentativité du corps dans notre société est l’objet de toutes les divisions. Entre religion, tradition, émancipation, érotisme et jouissance, les Marocains ne savent plus à quel saint se vouer. Toutes ces vérités qui parviennent néanmoins à coexister, sont bien la preuve que le tabou ne s’impose qu’à ceux qui nient l’évidence du pouvoir du corps. Lorsque la notion même de plaisir est verrouillée par le conservatisme, la société trouve les moyens de contourner les obstacles. Bijoux, tatouages, prostitution et autres existent pour nous le rappeler. Chassez le naturel, il revient au galop.
Alire les descriptions de ceux qui, dans la Tradition musulmane, affirment n’avoir «jamais vu, ni avant lui ni après, quelqu’un comme lui», on est frappé par le caractère d’exception de ce corps, défini par le juste milieu et l’absence de traits marqués à l’excès. Ils sont nombreux aussi à rapporter que le Prophète avait un souci particulier de son corps. L’un de ses compagnons, Jâbir b. Abdallâh, témoigne qu’il dégageait un parfum de musc, si bien qu’on pouvait suivre sa trace grâce aux effluves qu’il laissait sur son passage. Mieux : à en croire Aïcha, son épouse favorite, toutes ses sécrétions exhalaient cette senteur musquée. Denis Gril souligne que la relation du prophète Mohammed avec ses épouses a valorisé les soins du corps et l’union conjugale : «Dans ce domaine comme dans d’autres, le corps du Prophète apparaît comme hors du commun. Une tradition rapporte qu’il avait reçu la puissance sexuelle de quarante hommes et qu’il faisait le tour de ses femmes en une nuit». Autant de qualités qui, comme il est dit dans le Coran, font de l’Envoyé de Dieu «l’exemple par excellence» pour les croyants, sur le plan moral et physique. Dès lors se dessine, pour le musulman, un idéal à atteindre et se met en place une forme d’imitation du Prophète. Imitation difficile à réaliser même si l’on peut s’en approcher, car le Prophète est au commun des mortels ce que la langue du Coran est à l’arabe profane, à savoir inimitable. Toujours est-il que « le modèle prophétique détermine les justes attitudes du bon musulman sunnite en toute occasion, et toute une étiquette inspirée de la Sunna a modelé depuis des siècles le rapport des musulmans au corps » ainsi que l’écrit Catherine Mayer-Jaouen.
Par la rédaction
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