Est-ce une coïncidence si Mohamed III aimait se comparer, à juste titre, à Ahmed al-Mansour le Saâdien, fondateur du Maroc moderne ? Non, certainement pas.
Souvent, dans l’historiographie des sultans alaouites, on ne s’arrête que peu sur le règne de Sidi Mohamed Ben Abdallah, alors qu’on aime s’étaler sur le règne de Moulay Ismaïl, d’abord par sa longévité et sa majesté. On aime aussi s’arrêter sur Hassan 1er, qui a su repousser la domination européenne en préemptant l’espace, et en jouant les rivalités des puissances européennes. Seul Sidi Mohamed a fait œuvre de stratège, avec une présence diplomatique remarquée, avec les puissances européennes, les Ottomans ou les princes de la Mecque. Il était surtout le précurseur de la vocation atlantique du Maroc, avec le renforcement de l’arsenal maritime à Larache, en faisant appel aux Ottomans en la circonstance, puis surtout avec la construction d’un port à Mogador, la ville aux murailles (en amazigh ; ce qui a donné en arabe Souira, avec un «s» léger ; puis Tassourt, connue désormais par Essaouira). Si le Maroc veut réellement «compter», il doit miser sur sa vocation atlantique. Sidi Mohamed Ben Abdallah a été l’architecte de cette vocation. Mohamed III est celui qui a donné vie à une bourgade abandonnée sur l’estuaire de Bourgreg, en faisant un relais entre Marrakech et Fès, en y construisant dar al-Makhzen, puis une mosquée : Jamaâ Sounna. Alias Rabat. Les faits parlent pour ce choix. C’est aussi celui qui a insufflé vie à Marrakech, en faisant sa capitale. Les capitales de ses prédécesseurs furent Fès, Meknès, puis Fès.
Par Hassan Aourid
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