L’Histoire de l’Indépendance n’a pas été une marche de tout repos. Derrière l’unité de façade, se cachaient des divergences de fond qui se répercutent jusqu’à aujourd’hui.
La lutte pour l’Indépendance était une épopée, et la fin du fait colonial une gloire. L’une comme l’autre ont institué une légitimité pour ceux qui y ont contribué, à des degrés différents. Quoi de plus humain, pourles nombreux acteurs de cette période faste, que de vouloir en récolter les lauriers? Sauf que le partage des dividendes de l’Indépendance ne s’est pas fait sans heurts. Les divergences se sont exprimées sous différentes formes, et notamment par le langage des armes. Mais quels étaient les litiges en question, et qui en étaient les protagonistes ? Zamane vous livre quelques clés pour comprendre la rivalité des pères de l’Indépendance.
El Fassi-El Ouazzani : Le choc des titans
En 1930, Allal El Fassi et Mohamed Bel Hassan El Ouazzani avaient tout juste vingt ans, et se voyaient déjà en haut de l’affiche. Le premier achevait son cursus àl’université théologique Al Qaraouyine de Fès, quand le deuxième rejoignait la ville après avoir étudié les sciences politiques à Paris. L’un comme l’autre allaient être mêlés aux protestations populaires contre la promulgation du «Dahir berbère» et tous deux émergent comme des figures charismatiques du mouvement national naissant. Le tandem fonde le Parti National (PN) en 1937.Mais les premières rivalités naissent lors de la séance d’élection du président du parti. A l’issue du vote, El Fassi est élu président, tandis qu’El Ouazzani hérite du poste de secrétaire général. Mais ce dernier conteste le scrutin, criant à la manipulation tout en dénonçant le suivisme ambiant. Le litige donne lieu à une scission du Parti National : El Fassi crée dans la foulée le Parti national pour la réalisation des réformes, et El Ouazzani lui rend coup pour coup avec la Haraka El Qawmia. Désormais, les deux hommes ne vont s’épargner aucune attaque. Malgré de nombreuses médiations, leurs partis respectifs s’installent dans une logique de rivalité, qui vire parfois au dénigrement mutuel. Preuve que le divorce est consommé, en janvier 1944, chacun présente son propre manifeste pour l’Indépendance. Les deux nouveaux partis créés au lendemain de la Seconde guerre mondiale le parti de l’Istiqlal (PI) de Allal El Fassi (1944), et le Parti de la choura et de l’istiqlal (PDI) d’El Ouazzani (1946), consacrent la compétition. Le premier développe une tendance patriotique où l’identité arabo-musulmane constitue la pierre angulaire de la nation marocaine.
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Par Mostafa Bouaziz