Alors que la fièvre nationaliste s’empare du peuple marocain, un mouvement puissant, souvent violent s’oppose à l’Indépendance et transforme Casablanca en véritable ville du Far West.
Ce mois de décembre 1953, on s’interroge à Casablanca à propos de disparitions : un maître coranique, un pharmacien, un notaire, un directeur d’école, un garagiste, des Marocains enlevés par des Européens si l’on en croit les témoins de l’époque. Deux mois auparavant, deux médecins, Georges Causse et Emile Eyraud, membres du parti radical-socialiste ont pris la tête d’une nouvelle association : Présence Française. Ses membres sont des ultras du Maroc français : ils exigent de la Résidence -l’autorité française en terre marocaine- la création de milices pour se défendre des nationalistes, refusent le retour de Mohammed Ben Youssef et tiennent à leurs privilèges de colons… Eyraud est un pionnier du Protectorat, arrivé au Maroc au début du siècle dans la foulée de Lyautey. En 1953, il a tenté de prendre la mairie de Casablanca sans succès. Champion de la présence française au Maroc, hostile aux libéraux il a un pied dans La Vigie Marocaine, titre réactionnaire, propriété de Pierre Mas, banquier, latifundiaire, qui prêtera à l’occasion son imprimerie pour l’impression de tracts ultras. La Vigie est avec L’Aurore celui qui défend le plus hardiment le sultan Ben Arafa, marionnette des français. Marcel Boussac, patron de L’Aurore refuse de mettre la main à la poche pour Présence Française, mais les assure de son soutien. Un soutien majeur : on dit qu’il est informé bien avant le président René Coty des affaires du Maroc… La prose belliciste de cette presse très lue par les Français du Maroc assure aux ultras une certaine popularité. Les amitiés de Causse sont plus sujettes à caution…
1954, les revolvers jaillissent des djellabas
Flash-back : le 2 janvier 1955, Tahar Sebti, jeune et riche négociant flirtant avec l’Istiqlal est cassé en deux par sept rafales sortant d’une mitraillette probablement tenue par Avival. Des milliers de Marocains défileront pour ses obsèques. Entre la fin 1953 et le début de l’année 1955, des dizaines d’hommes sont tombés sous les balles des ultras.
Ces derniers ne reculent devant rien pour mener à bien leur mission. Ainsi, le 13 juillet 1954, Jean-Guy Duchateau, président des anciens du Corps Expéditionnaire Français d’Italie, des hommes commandés à l’époque par le maréchal Juin, Résident général au Maroc de 1947 à 1951, organise une rencontre avec des nationalistes marocains pour négocier une trêve. En fait de trêve, Duchateau, ami de Causse veut venger la mort d’Eyraud, tué par des marocains le 30 juin précédent. Les hommes de Causse et de Duchateau se cachent près du lieu de rendez-vous et listent les noms des hommes présents. Tous, connaîtront dans les semaines qui suivent les joies d’être attaqués à la bombe ou à la mitraillette Thompson.
Par Jules Crétois
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