L’épisode est peu connu du grand public. Pourtant, c’est bien à Aix-Les-Bains, lors de pourparlers privés que s’est joué le retour du sultan légitime, Mohammed Ben Youssef, en exil depuis deux ans.
C’est l’été 1955. Aucun signe ne laisse entrevoir une issue prochaine à la situation de crise que vit le Maroc depuis plusieurs années. Paris et Rabat s’inquiètent. La logique de la violence semble prendre de plus en plus le dessus autant dans le camp nationaliste marocain que du coté des extrémistes de Présence française. Edgar Faure, Président du Conseil français,nomme Gilbert Grandval à la Résidence générale. C’est un homme énergique et modéré. Il est chargé de mettre fin à la violence qui règne au Maroc par des moyens essentiellement politiques. Les enjeux principaux sont l’avenir du traité du Protectoratet la crise du trône. Mais Grandval n’est pas habilité à promettre aux nationalistes le retour de Mohammed V sur son trône. Paris ne peut accepter une telle issue et les ultras de la colonisation jurent leurs grands dieux que Mohammed Ben Youssef (le futur Mohammed V) ne remettra jamais les pieds au Maroc.
Grandval, politiquement démuni, ne parvient pas à détendre la situation au Maroc. A l’approche du deuxième anniversaire de la déposition de Mohammed V, Paris tremble. Les esprits commencent à évoluer en France car personne, si l’on excepte les colons, ne veut d’un bain de sang, surtout que la solution de l’autonomie interne adoptée par Mendès-France pour la Tunisie semble marcher. C’est dans ce climat qu’Edgar Faure, qui est de plus en plus convaincu que le seul parti qui détient les cartes d’une solution est l’Istiqlal, décide d’avancer, mais à visage couvert, vers une solution qui satisferait le nationalisme marocain. Son« contact » avec le parti d’Allal El Fassi est Abderrahim Bouabid qu’il apprécie pour son sens du dialogue et sa culture française.
Négocier sans le dire
Faure finit donc par lancer des invitations à une rencontre officiellement présentée comme une prise de contact avec les différents représentants de l’opinion marocaine. Ces derniersdoivent exposer – sans plus – au gouvernement français leurs vues quant à la situation au Maroc.Au sein de l’Istiqlal, siAllal El Fassi refuse, à partir du Caire, ce qu’il considère comme une manœuvre colonialiste, Ben Barka et Mohammed Lyazidi au Maroc, et Balafrej en Suisse considèrent la participation comme nécessaire, malgré leurs protestations contre ce qu’ils appellent le déséquilibre de la délégation marocaine. Déséquilibre ? Faure qui sait que plusieurs membres de son gouvernement qui s’appuie sur une coalition politique fragile, ne le suivront pas de bon cœur, choisit donc de faire passer la pilule en invitant à de simples pourparlers – et non des négociations – aussi bien les nationalistes que les collaborateurs notoires du colonialisme. Ainsi in fine on se trouve devant une délégation marocaine composée majoritairement de personnalités profrançaises, d’où les protestations de l’Istiqlal.
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Par Maâti Monjib