C’est l’une des disparitions les plus mystérieuses et les plus emblématiques que le Maroc ait jamais connues. Une affaire jamais élucidée et sur laquelle, même aujourd’hui, pèse une véritable chape de plomb.
Il s’agit de la ténébreuse disparition en 1976 de cinq jeunes Français et d’un Marocain dans le sud du Maroc. Deux des disparus étaient les enfants uniques de celui qu’on appelle le «père de la sociologie marocaine», Paul Pascon. Séquestrés puis exécutés par le Front Polisario ? Tués par mégarde lors d’une embuscade tendue par le Polisario à un convoi militaire marocain ? Assassinés par une bande criminelle armée, voire par un commando marocain ? Toutes ces questions restent posées, plus de 42 ans après les faits, les corps n’ayant jamais été retrouvés.
Si ce terrible épisode de l’histoire récente du Maroc est resté lié à Pascon, c’est grâce, pourrait-on dire, à la trajectoire personnelle et professionnelle de ce dernier. Pied-noir, Français né à Fès en 1932, fils d’un ingénieur des travaux publics dans un Maroc recréé et remodelé sous la baguette du protectorat français, le futur auteur de « La Maison d’Iligh, histoire sociale du Tazerwalt » aurait, selon la légende, acquis dès son plus jeune âge les rudiments de l’arabe dialectal, la darija, voire ceux de l’arabe littéral, la langue noble parlée à l’époque par une caste réduite, celle des oulémas, des fonctionnaires du Makhzen et d’une ultra minorité d’intellectuels. Un Paul Pascon darijophone, arabophone probablement, annonçait déjà un avenir marocain pour ce «Françaoui», ce «Nasrani» (chrétien), même s’il prenait un malin plaisir à se proclamer athée. Dans son livre «Rencontres avec le Maroc», Christine Daure-Serfaty le décrit d’ailleurs comme «le seul et unique Marocain qui, sur aucun document officiel, n’avait de religion».
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Les enfants de monsieur Pascon, Gilles et Nadine, étaient mes amis et je pense à eux encore à ce jour. Mon père qui travaillait au SDECE au sein de l’Ambassade de rabat de 1976 à 1980 m’a dit une fois à la retraite que « leur mort a été causée par une bavure de La Marche Verte ». Si lui le savait, le gouvernement français aussi…Et on a laissé les familles dans un deuil infini…
Laurence Soubic