Si la logique de la guerre froide avait été respectée, l’ogre soviétique se serait aligné sans faille du côté de l’Algérie, et donc des séparatistes du Polisario. L’URSS se garda pourtant de le faire. Une affaire qui est tout, sauf banale.
Le 25 janvier 2019, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, est en visite à Rabat. À l’incontournable question sur le Sahara, il répond, laconique : «Ce conflit, qui a trop duré, exige une solution consensuelle rapide sur la base des résolutions du Conseil de sécurité exclusivement et l’implication de toutes les parties concernées». Quelques jours avant, le ministre russe des Affaires étrangères était à Alger. Là encore, nul aventurisme dans ses déclarations. Il insiste sur le fait «d’agir sur la base du droit international. Une telle base existe, elle est inscrite dans les décisions de l’ONU, principalement au Conseil de sécurité de l’ONU. Nous sommes pour que ces résolutions soient mises en œuvre».
Près de 45 ans après la Marche Verte, qui a permis au royaume de réinvestir ses provinces du sud, la position de Moscou est restée pratiquement la même. Un statu quo qui ne semble vouloir avantager aucun des deux pays maghrébins. À l’époque pourtant, cette forme de neutralité n’est pas aussi évidente qu’aujourd’hui. Sympathisante du bloc de l’Est, l’Algérie, dont le régime se présente comme révolutionnaire et socialiste, est considérée comme un partenaire de l’URSS. D’ailleurs, quasiment l’ensemble de l’équipement militaire d’Alger dépend de Moscou. Plus encore, Cuba, Etat communiste satellite des Soviétiques, est durablement engagé auprès de l’Algérie, et plus tard de la RASD, entité qui revendique le Sahara occidental. Fidel Castro avouera lui-même la participation de ses troupes lors de la Guerre des sables aux côtés des Algériens. L’indéfectible soutien du Lider maximo au Polisario est, depuis longtemps, de notoriété publique. Mais La Havane n’est pas Moscou. Dans le monde bipolaire de la guerre froide, la position des deux superpuissances est seule capable d’infléchir un conflit. Celui entre le Maroc et le Polisario n’échappe pas à cette règle. Le rapport de force ne doit cependant pas briser un certain équilibre, surtout lorsque l’affaire n’est pas d’un intérêt vital pour Washington et Moscou. C’est le cas de l’affaire du Sahara et, plus généralement, la question de la décolonisation de toute la région.
Si la position de Washington, favorable au régime de Hassan II, ne souffre d’aucune ambigüité, celle de Moscou est quant à elle plus opaque. Des hésitations habilement mises
à profit par le Maroc pour ne pas se mettre à dos la puissance soviétique et tenter d’isoler le tandem Algérie / Polisario.
Par Sami Lakmahri
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