Il y a mille et un harems. Et mille et une façons de les percevoir. On pense d’abord au harem sultanien, où de belles esclaves circassiennes, fraîchement converties à l’islam, mènent une vie oisive faite de faste, de sexe et d’intrigues, sous la haute surveillance d’eunuques. Un monde à part en somme, dissimulé au regard du commun des mortels, exclusivement réservé au bon plaisir des hommes de pouvoir. Son reflet dans le miroir déformant de l’orientalisme a laissé dans la conscience collective une image à la fois archaïque et sulfureuse, mystérieuse et érotique, fantasmée et, finalement, profondément masculine. Le harem n’est pas l’apanage du monde musulman, il est intrinsèquement lié au pouvoir et à la noblesse. En France, Louis XIV disposait lui aussi de concubines et d’esclaves (souvent exilées après avoir partagé la couche du roi). Cela dit, le harem a atteint son paroxysme, il est vrai, au cœur du monde musulman, et plus particulièrement au sein de l’Empire ottoman, sous le règne de Soliman le Magnifique (1520-1566). Le harem ottoman était un système, une institution stricte et codifiée, plutôt «cloître pour femmes» que «temple des orgies», où les recluses recevaient une éducation et disposaient d’un statut, tout sauf gravé dans le marbre.
Voilà pourquoi de simples esclaves, kidnappées au cœur des steppes caucasiennes ou ailleurs, parvenaient à se faire remarquer du sultan, et parfois à se hisser au sommet du pouvoir. De là à envisager le harem comme une «institution éducative» faisant office d’«ascenseur social», il y a un fossé qu’on ne saurait franchir. En réalité, le harem est une institution complexe aux multiples facettes, mêlant conservatisme, plaisirs charnels, rituels monotones, stratégie, alliances et politiques, aujourd’hui totalement hors du temps. Et c’est bien pour cela qu’il est source de mythes et de légendes. Dans ce dossier, Zamane a décidé de décortiquer l’institution du harem à travers celui de l’Empire ottoman, largement représentatif. Le lecteur pourra donc voyager au cœur de cette institution pour mieux la comprendre, être confronté aux récits des voyageurs occidentaux (truffés de préjugés et autres fantasmes), mais aussi faire la connaissance de celles qui ont marqué le harem, et donc l’histoire en terre d’islam.
Dossier coordonné par Nina Kozlowski
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