Quid de l’impact de la colonisation espagnole, des relations entre colons et autochtones, des intérêts économiques en jeu ?
Quel a été l’impact de la colonisation espagnole sur la société et l’économie du Nord ? Cet impact a-t-il conditionné les attitudes politiques du mouvement national, notamment dans les grandes villes de la région ?
La présence espagnole dans le Nord du Maroc durant la première moitié du XXe siècle a certainement entraîné des changements aux niveaux des structures sociales et économiques. Il faut tenir compte également de l’occupation espagnole des villes de Sebta et Melilia depuis le XVe siècle, ce qui a facilité les échanges de biens matériels mais aussi culturels, phénomène qui a contribué à donner au Nord du Maroc une certaine identité. Cependant, il faut signaler le caractère limité des changements économiques et sociaux introduits par la colonisation espagnole. Il n’y a pas eu de prolétarisation d’envergure, ni de grands mouvements d’exode rural entraînant de grandes concentrations urbaines. A l’exception de Tétouan, la capitale du Protectorat, les quelques nouveaux centres urbains comme Nador, Al Hoceïma et Targuist étaient habités essentiellement par les Espagnols. D’où le fait que le leadership nationaliste soit issu de l’élite traditionnelle.
Quelle était la nature des relations entre Marocains et Espagnols durant les années du Protectorat ?
Au niveau culturel, il convient de signaler qu’il n’y a pas eu une vraie élite hispanophone à l’instar de l’élite francophone dans la zone du protectorat français. Le nombre de Marocains fréquentant les universités espagnoles était très réduit, il s’agissait simplement des fils de quelques notables. Les autorités franquistes menaient une politique particulière dans ce domaine, elles encourageaient l’enseignement de la langue et de la culture arabes. Des chaires de langue arabe ont été créées dans les universités espagnoles, notamment à Grenade et Madrid. Des bourses ont également été offertes aux étudiants marocains afin de suivre leurs études en Orient, notamment en Egypte et en Palestine. Isolé sur la scène internationale, le régime franquiste essayait par cette politique de trouver une issue à cette situation en se rapprochant du monde arabe. Il est même allé jusqu’à offrir l’asile politique aux nationalistes marocains de la zone française. Il faut cependant remarquer que la langue espagnole était parlée dans les coins les plus reculés de la zone nord. Ce phénomène était principalement dû à la présence de soldats et de petits paysans espagnols dans le milieu rural marocain. Les conditions de vie de la population espagnole étaient proches de celles des autochtones et, de ce fait, les échanges étaient intensifs.
Propos recueillis par Maâti Monjib
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