Les dynasties marocaines ont toujours cherché à enrichir leurs bibliothèques. L’histoire de ces collections constituées au fil des siècles montre que les manuscrits sont, entre tous, le bien le plus précieux.
Le visiteur qui pénètre dans l’enceinte de la Bibliothèque royale Hassaniya à Rabat et qui embrasse du regard ses milliers d’ouvrages manuscrits ne sait pas toujours que c’est seulement en 1962 que ces collections inestimables ont pris le chemin du palais royal, transférés du palais de Fès où on les avait découvertes tout à fait par hasard. C’est le sultan Moulay Youssef lui-même qui les avait fait emmurer en 1912, après avoir signé la convention du Protectorat. Le souverain ne voulait pas que ces livres d’exégèse, ces manuscrits précieux du Coran et tous les autres trésors religieux tombent entre les mains des « infidèles ». C’est ainsi que ces fonds hors du commun, constitués de milliers de volumes de mous’haf, de manuscrits anciens rares, parfois uniques, vont rester tapis entre les murs durant exactement cinquante ans. On les découvrira lors de la première année du règne de Hassan II. Celui-ci donnera expressément l’ordre de les transférer à Rabat où ils seront dénombrés, triés, fichés et installés dans les rayonnages d’une petite bibliothèque rattachée au palais, et qui a été dès le premier jour ouverte aux chercheurs. En 1972, la bibliothèque Hassaniya voit le jour pour abriter toutes ces collections d’ouvrages manuscrits rassemblés au fil des siècles par les différents rois du Maroc.
Un coran du VIIIe siècle
La première bibliothèque royale signalée par les historiens est celle du calife idrisside Yahya IV, qui vit au début du Xème siècle. Il a engagé des scribes et des copistes pour exécuter et transcrire des manuscrits pour sa collection personnelle. Le salon de Yahya IV est fréquenté par des oulémas et des poètes. A cette époque de nombreux émigrés d’Andalousie et d’Ifriqia se sont installés à Fès, où existe une véritable émulation entre la cour idrisside et la cour des Abassides. Plus d’un siècle plus tard, sous le règne des Almoravides (1073-1146), les historiens signalent à nouveau l’existence d’une bibliothèque royale, dont le fondateur est Youssef Ibn Tachfin. Les premiers fonds de cette bibliothèque auraient été constitués à partir des collections privées des roitelets des Taïfa et des rois omeyyades d’Espagne, qui risquaient de disparaître lors de la conquête de l’Andalousie par les Berbères. Le successeur de Youssef Ibn Tachfin, son fils Ali Ibn Youssef Ibn Tachfin, a l’ambition de constituer une des plus riches bibliothèques en terre d’Islam et fait venir des livres d’Andalousie. Sous son règne, Marrakech attire de nombreux savants andalous. On citera notamment Ibn Zuhr et Ibn Bajja, qui suit le calife de l’Andalousie à Marrakech et lui dédie ses ouvrages. Pour la plupart, les livres de la bibliothèque de Ali Ibn Youssef sont de tendance malikite. La bibliothèque Hassaniya contient à ce jour une copie exécutée en 1245 d’Al Muwatta, l’ouvrage fondamental du rite malikite.
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Par Saloua El Oufir