Abbas Ibn Firnass est un génial inventeur du Moyen Âge andalous qui a, entre autres exploits, entrepris rien de moins que de construire le premier engin volant de l’histoire connue.
Ibn Firnass est reconnu par les chroniqueurs de l’époque, comme l’un des plus illustres esprits de son temps (XIIIème siècle). Difficile donc de contester cet état de fait, d’autant que l’homme se distingue dans des domaines aussi nombreux que variés. Bien que les savants multidisciplinaires soient une norme durant Al Andalus, Abbas Ibn Firnass parvient à laisser son emprunte en physique, chimie, mathématique, ingénierie, et astronomie. Pour couronner le tout, le savant est volontiers doublé d’un homme de lettres, reconnu et respecté. C’est ainsi qu’Ibn Firnass connaît aujourd’hui une renommée qui dépasse les frontières du monde musulman. Les Occidentaux eux-mêmes, qui l’appellent Armen Firman, reconnaissent en Ibn Firnass la paternité effective de l’aéronautique. Contrairement à ses prédécesseurs dans ce domaine, simples «têtes brûlées» ou personnages relevant du mythe, notre savant, expert en ingénierie, travaille des dizaines d’années pour concevoir une machine qui lui permette de voler dans les airs. D’après Saïd al-Maghribi, l’historien arabe (1213-1275), parmi les rares chroniqueurs à s’être penché sur les tribulations d’Ibn Firnass, la première tentative remonte à l’année de l’avènement du calife Mohamed Ben Abderrahmane en 1852. Le jour J, un public amusé assiste à l’insolite expérience. Le savant qui se mue en véritable cascadeur, décide de grimper au sommet du minaret qui surplombe la magnifique mosquée de Cordoue « La Mezquita ». Le suspense est à son comble lorsque Abbas se lance dans le vide d’une hauteur de 90 mètres. Vêtu d’un épais manteau censé amortir sa chute, l’«aviateur» a les bras recouvert de plumes, et fixés à une sorte de planche qui va d’une extrémité à l’autre. Les descriptions de l’expérience sont plutôt variées. Pour les uns, le fou tombe quasi comme une pierre, se casse les deux jambes, et subit les moqueries de l’assistance. Pour les autres, le pionnier parvient à planer quelques secondes, et suscite l’admiration de tous. Ce qui est certain, c’est qu’Ibn Firnass ne se satisfait pas de cette première tentative. Sa motivation : améliorer et renouveler son expérience. Vingt ans plus tard, vers l’âge de 65 ans, il se tient à nouveau prêt à franchir le grand pas.
Cette fois, il décide lui-même de rameuter le public au pied du mont de la mariée «Jbel al arouss», qui s’ouvre sur une vallée à quelques kilomètres de Cordoue. Durant le temps qui s’est écoulé, le savant puise une nouvelle inspiration par son observation des rapaces. En outre, il améliore significativement son engin, devenu plus complexe. Cette fois, ses ailes en bois (plus longue) ainsi que son corps sont recouverts de plumes de rapaces. Il troque son épais et lourd manteau par un vêtement en soie, bien plus léger. Il comprend également qu’il n’est plus utile d’imiter le battement d’ailes des oiseaux, plaçant ainsi les ailes en position fixe. Le courage de ce désormais vieil homme est reconnu, mais ses proches sont inquiets. Il s’élance. Cette seconde expérience est plus relatée dans les écrits que la première. Ibn Firnass est désormais plus célèbre, et ses péripéties retiennent plus d’attention. Il nous est parvenu que ce «vol» est plutôt une réussite, puisque l’engin se rapproche de plus en plus à un planeur. Seulement, les techniques d’aérodynamisme sont encore loin d’être au point, et le malheureux ne maîtrise absolument pas ses trajectoires. Malgré un vol plané, Ibn Firnass chute assez lourdement. D’après quelques chroniqueurs, cet «accident» entrainera sa mort. Mais il semble plus crédible qu’il n’ait été atteint que de quelques fractures, puisque son décès ne surviendra qu’à peu près 5 années plus tard. De plus, Ibn Firnass aurait lui-même réalisé le compte rendu de son expérience, et aurait découvert trop tard, qu’une queue à l’arrière de son engin permettrait de gagner de la stabilité en vol. Il faut attendre 1000 ans, pour voir l’ingénieur français Clément Ader, inventé un appareil à peine capable de décoller de quelques mètres.