On dit de Casablanca qu’elle n’a pas d’âme, pas de culture. Mais ce n’est vrai qu’en partie. Et c’est assez injuste, surtout.
On le sait au moins depuis les Etats-Unis : quand un pays est neuf, il peut compter sur la culture pour combler les cases vides de son histoire. Parce que la culture et l’art en général, et ceux qui les portent, sont de formidables accélérateurs et propagateurs d’histoire. Casablanca obéit à cette règle. La plus grande ville du Maroc est aussi celle qui a le moins d’histoire. Le moins d’histoire, vraiment ? En fait, l’histoire de la ville blanche est courte dans le temps mais longue et riche en termes d’événements, d’émotions. Cette histoire et tout ce qui en découle, y compris l’expression artistique, obéissent de surcroit à un seul et même processus : Casablanca avale, recycle et restitue dans une forme hybride qui ne ressemble qu’à elle. Elle offre un concentré du Maroc, dont elle a vampirisé les tendances et les particularités les plus diverses. Cette ville absorbe tout, de l’art fassi au berbère, de l’art le plus urbain au plus rural, et jusqu’au sahraoui. Mais qu’est-ce qui est propre à cette ville ? Qu’est-ce qui a germé en elle et en elle seulement, et qui n’aurait pas pu pousser ailleurs ?
En cherchant bien, il est impossible de ne pas s’arrêter sur Nass El Ghiwane. L’expérience de ce groupe représente le métissage culturel et le mélange des genres qui caractérise la ville. Nass El Ghiwane colle au plus près à l’identité de la ville, à une certaine identité, au beau milieu de la route, comme une parfaite jointure entre hier et aujourd’hui, entre la ville et la campagne, entre tradition et modernité. Ce groupe cadre aussi avec un certain esprit de la ville, un esprit ancien, rebelle et quelque peu agressif, méchant à ses heures, indiscipliné, un peu sauvage diront certains, mais terriblement attachant. Et authentique.
Par Younes Messoudi
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