L’exemple de James-Grey Jackson nous renseigne sur la manière dont une certaine Europe, celle du Nord principalement, percevait le Maroc et les Marocains. Instructif.
James-Grey Jackson est l’un des rares observateurs européens qui nous a laissé une description assez équilibrée de la société marocaine et de ses mœurs. Car, à la différence des voyageurs hâtifs qui sont souvent une proie facile aux préjugés de toutes sortes, Jackson a résidé au Maroc pas moins de seize ans, assez de temps pour s’imprégner de la culture du pays.
Il faut admettre que l’attitude des Européens catholiques du sud, Français et Espagnols en particulier, était bien différente de celle des Européens protestants du nord. Et pour cause. Les pays catholiques du sud se considéraient comme étant la première ligne de défense de la chrétienté contre le «danger musulman», et ce depuis la conquête de l’Andalousie et l’avancée des armées musulmanes jusqu’à Poitiers en 732. Depuis, l’image du «sarrasin» barbare et cruel a constitué la toile de fond de toute attitude à l’égard du «Mahométan».
Par contre, l’antagonisme avec les européens du nord n’a jamais été aussi acerbe, vu l’absence d’une confrontation directe. L’antagonisme entre catholiques et protestants après la Réformation a aussi pesé en faveur d’une meilleure disposition des protestants vis-à-vis du monde musulman. James Grey Jackson se considérait en fait comme l’héritier de cette tradition nordique, qui croyait mieux comprendre le monde de l’Islam et sa culture. Dans sa relation sur «l’Empire de Maroc», il s’acharnera à démontrer que le livre de son contemporain français Louis Chénier, consul de la France à Rabat pendant plusieurs années, était bourré d’erreurs et de préjugés sur «les Maures».
Juste après la mort du sultan Mohamed Ben Abdallah, James-Grey Jackson arrive au Maroc pour s’installer à Essaouira en tant que négociant. Le pays connut en ces temps une grave crise dynastique et une lutte de succession acharnée entre Moulay al Yazid et ses frères. Le port d’Essaouira vivait alors un certain vide politique car il ne faisait partie ni du royaume de Fès, ni du royaume de Marrakech. Ce qui voulait dire que l’activité des Européens dans cette ville côtière échappait totalement au Makhzen.
Par Mohamed El Mansour
Lire la suite de l’article dans Zamane N°112 (Mars 2020)