Deux mythes ravageurs continuent à hanter les esprits : le prétendu complot juif mondial d’un côté ; de l’autre, le supposé antisémitisme congénital des Arabes et des musulmans. Tenter de comprendre pour sortir de ce piège.
Les Protocoles des Sages de Sion se présentent comme le compte-rendu détaillé d’une vingtaine de réunions judéo-maçonniques secrètes, au cours desquelles un «Sage de Sion» s’adresse aux chefs du peuple juif pour leur exposer un plan de domination de l’humanité. Destiné à les rendre «maîtres du monde», ce plan prévoit d’utiliser la violence, la ruse, les guerres, les révolutions, la modernisation industrielle et le capitalisme pour anéantir l’ordre existant et installer le pouvoir juif. Ce document a été une des pièces maîtresses de la propagande antisémite du Troisième Reich. Quelle en est l’origine ?
Dès sa publication en Russie en 1903, on soupçonne qu’il s’agit d’un faux. Le soupçon se confirmera progressivement jusqu’à devenir certitude. En 1999, un chercheur russe a démontré, de manière irréfutable, que les Protocoles ont été fabriqués et rédigés en français, à Paris, en 1900-1901, par un faussaire, le Russe Matthieu Golovinski, agent occasionnel de la police secrète tsariste, l’Okhrana. Composé à l’intention de Nicolas II de Russie, le texte devait le convaincre des méfaits qui découleraient d’une trop grande ouverture à l’égard de ses sujets juifs, porteurs d’idées libérales et révolutionnaires.
A partir de 1920, ce faux connaît un succès international : il est traduit en plusieurs langues européennes et largement diffusé et lu par les milieux antijuifs qui y trouvent la justification de leur haine. La première traduction en arabe, paraît en 1925. Elle est due à un chrétien maronite, le curé Antoun Yammin. Après la Seconde guerre mondiale, les Protocoles sont en principe interdits dans la plupart des pays européens. Dans le monde arabe, ils entament une seconde carrière avec la création de l’Etat d’Israël (1948). Certains manuels scolaires n’hésitent pas à le donner comme un document authentique : c’était le cas au Maroc jusqu’à la fin des années 1990. Ici, comme ailleurs, ce best-seller reste la référence des antisémites et des adeptes de la théorie du complot. Il leur sert à expliquer de façon fruste et primaire les phénomènes politiques, sociaux, économiques et culturels des sociétés contemporaines.
Par la rédaction
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