La canne à sucre a longtemps été la principale richesse, quasi industrialisée, du Maroc dans le Moyen Âge. Mais son origine remonterait bien au-delà des Saâdiens, dès l’arrivée des premiers musulmans arabes.
Que le Maroc ait été autrefois un pays du sucre, on le soupçonnait déjà car, à ce propos, on se répétait le fameux texte de l’historien marocain El Oufrani dans son ouvrage célèbre : «Nozhet el Hadi». Les rois Saâdiens, nous dit cet auteur, faisaient venir d’Italie au Maroc pour la construction des palais de Marrakech et en particulier du Badii, le marbre de Carrare qu’ils payaient en sucre, poids pour poids. L’expression est brillante et fait image et cependant les sceptiques ne manquaient pas. Habitués à voir le pays se comporter en consommateur et en importateur (on connaît assez au Maroc le rôle quasi rituel de la traditionnelle tasse de thé), on a du mal à concevoir qu’il ait pu à certaines époques être un producteur actif et travailler pour l’exportation. Par ailleurs, la canne à sucre est, pour la plupart d’entre nous, une plante des pays tropicaux chauds et humides que l’on voit mal prospérer sous un climat méditerranéen aride ou semi-aride même s’il est en de nombreuses régions côtières corrigé par des influences atlantiques.
Le doute n’est plus permis depuis que des découvertes archéologiques sont venues apporter une entière confirmation à ce que les textes laissaient déjà soupçonner. Celui d’El Oufrani n’était en effet que le plus connu sans être, loin de là, le seul de son espèce. La fameuse collection des sources inédites de l’histoire du Maroc publiée depuis 1905 par divers éminents chercheurs parmi lesquels M. de Castries, a fourni un apport très considérable à la question dans sa série Angleterre en particulier.
Il serait évidemment beaucoup trop long de retracer de façon détaillée ce que fut la longue recherche qui, depuis la fin de décembre 1948, m’a permis de retrouver et de reconstituer cette ancienne activité économique, à la fois agricole et industrielle dans un pays que certains auteurs ont cru à tort voué aux céréales pauvres, à l’élevage extensif ou pour le mieux aux cultures arboricoles.
Par Paul Berthier
Lire la suite de l’article dans Zamane N°116