Très tôt, Mehdi Ben Barka a perçu dans l’entourage de Hassan II la menace de forces politiques et sociales hostiles à tout développement du Maroc pour mieux s’accaparer le pouvoir et les richesses.
Dans la galerie des dirigeants nationalistes au Maghreb, Mehdi Ben Barka présente un profil singulier. Il est légitime de dire de lui qu’il est pour aujourd’hui parce qu’il était pour demain. Victime d’un crime d’Etat, il ne pouvait nous léguer son testament politique. Ce testament, nous pouvons le déduire de sa pratique et de ses écrits, c’est-à-dire d’un militant dont le radicalisme s’est affirmé dans les combats de ce qu’on appelait alors le Tiers-Monde.
Dès la libération du Maroc, Ben Barka s’est démarqué des acteurs politiques qui se contentaient de l’indépendance formelle. Il n’épargnait pas non plus ceux, nombreux, qui renvoyaient tous les facteurs explicatifs des contradictions et des impasses marocaines à la colonisation. Il a compris qu’il existait au Maroc, autour du roi Hassan II, des forces sociales et politiques hostiles au pays et qui tendaient à utiliser les fragilités de la nouvelle société pour développer des stratégies dont l’objectif visait l’accaparement du pouvoir et des richesses à leur profit exclusif, et ce en s’appuyant sur les dominants étrangers d’hier. Pour faire face à ce danger, sa réflexion s’est nourrie des enseignements puisés dans l’expérience marocaine. Tout d’abord, établir un rapport organique avec les classes populaires dont la lutte contre la colonisation a mis en évidence les potentialités libératrices et les aspirations à l’égalité et à la justice sociale. Ensuite, la nécessité d’une démocratisation du Parti de l’Istiqlal : Ben Barka a constaté que les masses ont fort peu été invitées à sélectionner les dirigeants, et les dirigeants n’ont pas été capables de détecter les militants et de situer les forces susceptibles de consolider la souveraineté du pays contre une domination étrangère encore présente et de répondre aux critères de la modernisation.
Par Mohammed Harbi
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