Beaucoup d’historiens considèrent que le Maroc a perdu sa souveraineté bien avant 1912, date de l’établissement officiel du Protectorat. Dès le XIXème, en effet, l’empire chérifien a accumulé les défaites militaires (Isly, Tétouan), mais aussi les dettes, les réformes ratées (administration, impôts, réorganisation de l’armée, etc.), et surtout le rendez-vous manqué avec les prémisses de la modernité. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé. De Moulay Slimane à Moulay Hassan, voire Moulay Abdelaziz, en passant par Moulay Abderrahmane ou Mohammed V, le royaume a bien tenté de s’accrocher, pour résister et faire bonne figure face aux puissances européennes à l’appétit fort aiguisé, et largement dominatrices sur tous les plans. En vain. Le dossier du mois vous offre une exploration transversale des failles et des faiblesses de ce pays dont le destin est déjà tout tracé. In fine, il apparait clairement que la «soumission» marocaine, officialisée au début du XXème siècle, a été mise en œuvre tout au long de ce fatidique XIXème siècle.
Nous avonsdeux témoignages sur la fin du XIXème siècle, de deuxgrandes figures intellectuelles du Maroc, l’historiographe Jaâfar al-Naciri, qui compare le Maroc en fin de siècle à un oiseau déplumé, avec une aile brisée, face à un grand vautour, élançant ses grandes ailes, le picorant et le narguant à l’occasion. Le petit oiseau n’en pouvait mais… Le vautour aux grandes ailes n’est autre que l’Europe. L’oisillon tiendra t-il ? Et jusqu’à quand, alors que ce vautour déploie dans son répertoire savoir, armement et commerce… Le petit oiseau déplumé se retranche dans une posture défensive quand il parle d’une même voix, si des bédouins arabes ne l’affaiblissent par leurs chicaneries et leur emportement…
L’autre témoignage est celui du Pacha Mennou, l’un des auxiliaires du sultan Moulay Hafid, qui a eu la présence d’espritde dicter ses mémoires (autour d’une table d’hôte) à Mokhtar Soussi, livrant un témoignage qui a tout l’air d’un requiem. Il considère la mort du sultan Moulay Hassan, en 1894, comme la fin d’une ère faite de grandeur.
Par la rédaction
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