Le Mouvement du 20 février s’est il entendu sur la façon de célébrer le premier anniversaire du début de la protestation ?
Il y a une conviction réelle parmi l’ensemble des militants dans les différentes régions du Maroc que le premier anniversaire du M20 doit être une date qui cristallise la conscience collective, qui permette de maintenir la vigilance citoyenne quant à la mise en place d’un Etat de droit, d’institution démocratiques permettant le débat, la participation collective à la décision, le respect de la dignité humaine dans les droits économiques et sociaux et les différents rapports avec l’ordre public. La Tunisie et l’Egypte fêtent le premier anniversaire de la révolution arabe. Le M20 célèbre une année de résistance, qui a ses acquis et ses attentes, tout en rendant hommage à ses voisins arabes.
Quel enseignement tirer du procès du rappeur Lhaqed, dont vous êtes l’un des l’avocats ?
C’est une demi-victoire pour les avocats de Mouad, et je pense pour l’ensemble du mouvement. Ce sentiment d’inachevé est animé effectivement par le fait que cet artiste ne soit pas innocenté, malgré les vices de formes et de procédures, l’inexistence d’éléments matériels et moraux qui déterminent l’infraction. On a obtenu la libération de Mouad, après une mise en détention malheureuse et injuste, mais nous ne sommes pas parvenus à arracher la vérité, celle de l’innocence de Mouad, à notre justice. On peut dire que la mobilisation et la défense ont été, dans ce procès, les deux revers d’une même médaille, qui a amené la justice à céder sur la libération. Espérons tout de même que Mouad sera innocenté en Cour d’appel, car le procès n’est toujours pas terminé.
Quel rapport pensez-vous entretenir avec le nouveau ministre de la justice ? Accordez-vous un «état de grâce» au PJD ?
Il faut savoir que Mustafa Ramid est un militant du 20 février, il a démissionné du PJD lorsque celui-ci a émis des réserves quant au mouvement. Personne ne peut mettre en doute son honnêteté en tant que militant et surtout sa compétence en tant qu’avocat, même si sur le fond idéologique et sociétal beaucoup d’entre nous diffèrent de sa vision de la vie. Il a donné des signaux très forts lorsqu’il a été saisi pour le procès Lhaqed et d’autres dossiers politiques, comme l’ouverture d’instructions sérieuses au niveau du Parquet de Tanger. Maintenant, cette volonté individuelle suffira-t-elle à contrecarrer un système de corruption enraciné depuis des décennies ? C’est là que réside la vertu de la démocratie véritable, qui est aujourd’hui la raison d’être du Mouvement du 20 février.
Par Sami Lakmahri