Voici venu le moment récurrent où l’on se demande quoi retenir de l’année qui s’achève. Un exercice forcément déterminant, en tout cas instructif pour l’année qui s’annonce. Le choix des faits marquants ne peut être qu’éclectique, avec une dose variable d’objectivité immanquablement subjective. De toute façon, la mémoire, qu’elle soit individuelle ou collective, dans sa sélectivité immuable, ne retient que ce qui mérite de l’être. Ce qui vient immédiatement à l’esprit, ce sont les faits et gestes de ceux qui nous gouvernent. Bien que nous les ayons continuellement à l’œil, qu’ils s’activent ou qu’ils s’immobilisent, ils reviennent nécessairement à notre souvenance en cette période de bilan annuel. D’autant plus que leur propre calendrier s’y prête.
Cela fait deux années pleines, à quelques jours près, que le gouvernement Benkirane est en place. Rappelez-vous. L’arrivée au pouvoir, qui plus est par les urnes, d’un Exécutif à majorité islamiste, avait fait sensation, au Maroc et ailleurs. Nous étions l’objet d’éloges gratifiants. Abdelilah Benkirane, lui-même, faisait montre d’un enthousiasme débordant, dans ses parutions anti-conformistes à la télévision et ses déclarations tonitruantes dans la presse et à la télévision. Les problèmes les plus coriaces et les plus endémiques devenaient, comme par enchantement, solubles dans l’islamisme politique.
Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? La légèreté du discours, pour ne pas dire plus, et l’intangibilité de la réalité des choses. Autant les promesses étaient prodiguées à tour de bras et à longueur d’oraisons déclaratoires, autant l’usure du pouvoir était rapide. La moralisation de la vie publique, même assaisonnée d’un référentiel islamique plutôt étriqué, ne pouvait être la clé magique pour créer de la croissance économique, dynamiser le commerce extérieur, éradiquer les bidonvilles, réduire le chômage, ou réformer certains secteurs décisifs comme la Justice, l’Enseignement ou la Santé.
Deux discours royaux sont venus conforter cet état de fait au cours de l’année 2013. Le 20 août, le roi a consacré son allocution du moment à la question de l’enseignement et à ses multiples problématiques. Le constat est sans appel : notre système éducatif est en faillite. Pire, il semble réfractaire à toute idée de réforme. L’heure d’une mise à plat a sonné. Le débat reste ouvert, avec ses polémiques habituelles. Il faut espérer, autant que faire se peut, qu’il ne soit pas creux et démagogique. Rendez-vous est pris pour 2014. Apparemment, le gouvernement a été dessaisi de cette patate chaude confiée à Omar Azziman, nouveau président du Conseil supérieur de l’enseignement.
Devant le Parlement, le 11 octobre 2013, le discours royal avait pour sujet unique, la gestion communale, ses failles et ses plaies ouvertes, avec Casablanca comme illustration édifiante. Là aussi, un constat d’échec aux allures de dénonciation des manquements graves aux responsabilités électives par un personnel néanmoins élu. Casablanca, dont on veut faire une place financière de dimension internationale, n’est en fait qu’un repoussoir sur tous les paramètres de l’urbanisme et de la vie sociale.
Pour le gouvernement, l’année avait mal débuté, avec la décision du Parti de l’Istiqlal de quitter la coalition au pouvoir. Une crise ouverte qui a duré six mois, avant le départ effectif des ministres istiqlaliens. Perdant son principal allié, le gouvernement Benkirane en est sorti sérieusement affaibli. L’intégration du RNI relevait du sauvetage d’une majorité parlementaire plus numérique que réelle.
L’affaire du Sahara a, elle aussi, connu une évolution en dents de scie en 2013. Les états-Unis en ont constitué une charnière pivotante entre ambiguïté démocratique, servie au Maroc, et sauvegarde d’intérêts bien compris, à l’adresse de l’Algérie. Un savant équilibre qui n’était pas pour nous rassurer et que le Département d’état de John Kerry a fini par rompre en remettant sur le tapis l’élargissement des prérogatives de la Minurso aux droits de l’homme. Une exigence algérienne. La position américaine s’est finalement clarifiée, suite à la rencontre du Roi avec Barak Obama, le 22 novembre 2013 à Washington. Le communiqué conjoint a explicitement appuyé l’offre marocaine d’autonomie élargie pour le Sahara. Une note, certes positive sur une question d’importance primordiale, pour finir l’année. Ce n’est pas pour autant que 2013 est sauvée. Son legs pour 2014 est loin d’être rassurant.
Par Youssef Chmirou, directeur de la publication