Pendant longtemps, les historiens et les sociologues coloniaux n’ont voulu voir dans la réalité sociale marocaine que des antagonismes : les Berbères contre les Arabes, le blad makhzen contre blad siba, la culture urbaine des oulémas contre la tradition soufie des agourram dans lesmontagnes de l’Atlas, etc. Mais qu’en était-il, réellement ?
L’antagonisme supposé entre villes et tribus n’était en fait qu’un aspect de la connaissance coloniale que l’occupant avait mobilisée afin de diviser pour mieux régner. Mais la réalité historique est toujours complexe et n’admet pas les interprétations simplistes et catégoriques qui veulent réduire la vérité à un dualisme blanc/noir sans aucune nuance entre les deux. Entre le monde rural et le monde urbain des différences de mode de vie et de comportement, voire des oppositions d’intérêt, ont toujours existé dans toutes les sociétés. Ceci n’exclut pas la coexistence et même la complémentarité entre ces «deux mondes» qui, chacun de son côté, a besoin de l’autre. Les relations entre villes et tribus à travers l’histoire du Maroc ont été naturellement des relations d’opposition et de complémentarité en même temps. C’est ce que nous proposons de démontrer à travers le cas de la ville de Fès. Fès est une ville dont la prospérité a été historiquement le fait d’une bourgeoisie entreprenante et d’une classe d’artisans industrieux, qui ont hérité un savoir faire ancestral continuellement enrichi par des apports moyen-orientaux, andalous et africains. Les voyageurs européens qui ont visité la ville l’ont qualifiée d’«emporium commercial», vu le volume des marchandises fabriquées localement, ou importées de l’étranger et dont une grande partie était destinée aux marchés des tribus environnantes.
Par Mohamed Al Mansour
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