Dans cet entretien qu’il nous a accordé (Zamane version arabophone, numéro 33), et dont nous publions ici la version française, Ahmed Benkirane, qui s’apprête à souffler sa 97ème bougie, revient sur son parcours exceptionnel. Il a connu la résistance, le marxisme, le nationalisme, la lutte pour l’indépendance économique, le gouvernement, la banque, le journalisme, le syndicalisme, le monde des affaires… Un vécu si riche qu’il résume à lui seul, ou presque, l’évolution du Maroc du XXème siècle. À lire et à partager, tant auprès d’un public averti qu’avec les jeunes lecteurs impatients de (re)découvrir l’histoire très complexe de leur pays.
Comment a commencé votre parcours dans le mouvement national ?
Je suis né à Marrakech en 1927 et, à l’âge de dix ans, j’ai rejoint l’Institut Blafrej à Rabat. C’était une véritable école de patriotisme, avec des enseignants comme Ahmed Blafrej, Othmane Jorio, Mohamed Bentaleb et d’autres. En 1940, je suis retourné à Marrakech pour poursuivre mes études au Collège Sidi Mohammed. C’est là que j’ai rencontré les futures grands noms de la scène nationale que sont M’hammed Boucetta, Bel Abbès Taârji ou Abderrahmane Youssoufi, qui a effectué une partie de sa scolarité à Marrakech. Le centre de la kachfia hassania (scoutisme, ndlr) a été une autre école de patriotisme et j’y ai croisé d’autres amis venus des milieux populaires. Vint ensuite l’étape de l’Ecole Industrielle et Commerciale de Casablanca, puis l’Ecole de Commerce de Paris entre 1948 et 1951. Vu l’ambiance dans laquelle j’ai grandi, il était naturel pour moi d’appartenir au Mouvement National.
À Paris, vous êtes devenu communiste ?
Pas vraiment. Je suis resté indépendant, mais j’étais ouvert à la pensée marxiste. À Paris, j’ai eu l’occasion de respirer un nouvel air intellectuel. Le parti de l’Istiqlal a commencé à me paraître en décalage avec son temps. J’ai eu beaucoup de sympathie pour l’URSS (Union soviétique) en tant que force anticoloniale. Lorsqu’il a remarqué que j’avais, ainsi que quelques amis, des relations avec les communistes français, Abdallah Ibrahim a menacé de nous expulser du parti de l’Istiqlal. Il faut dire que nos dirigeants de l’époque nous considéraient comme leurs enfants, ils pensaient avoir le devoir de nous imposer une sorte de tutelle afin que nous ne nous écartions pas du parti.
Propos recueillis par la rédaction
Lire la suite de l’interview dans Zamane N°163