à partir du second XIXème siècle, et plus justement depuis la défaite d’Isly en 1844, l’Empire chérifien se trouve à la croisée des chemins. L’isolationnisme à la Moulay Slimane n’est désormais plus envisageable face à une Europe colonialiste et impérialiste. Moulay Abderrahmane puis Moulay Mohammed ont compris à leur insu que la force armée est à leur désavantage. Seule solution ; pactiser. Signer malgré eux des traités pernicieux comme celui de la Protection consulaire. Avec celle-ci désormais le loup «nesrani» était dans la bergerie marocaine. Rétrospection d’une société en chute libre.
La Protection consulaire ne surgit pas subitement du chapeau diplomatique en 1856. Elle possède déjà un long passé. Mais sous la forme d’une série de capitulations. L’historien marocain Mohammed Kenbib est sans concession à ce sujet. «Les protections dérivent des capitulations. Octroyées pour des raisons d’ordre religieux, politique, économique et douanier, celles-ci ont facilité le développement des relations commerciales entre l’Europe occidentale et le monde arabo-musulman. Mais a fur et à mesure (…) les capitulations perdirent leur sens premier et se muèrent en instrument de conquête», affirme-t-il dans son opus «Les Protégés, contribution à l’histoire contemporaine du Maroc» (1996). Pour le dire autrement, ce sont les négociants et autres commerçants occidentaux en terre d’islam qui profitent de ces accords capitulaires en étant protégés et ne répondant dès lors qu’aux seules lois de leur pays d’origine, c’est-à-dire l’extraterritorialité. En ce qui concerne l’Empire chérifien, il existe un précédent. Celui du traité de 1767, dont l’article II précise ce droit de protection qu’ont les marchands français et leurs associés au Maroc. Mais il sera peu usité. Ce faisant, c’est sans aucun doute au XIXème siècle que la protection consulaire s’étend au Maroc. Une date de commencement ? Certainement le 9 décembre 1856. C’est une date mortifère pour la souveraineté du Makhzen. De fait, le Sultan Moulay Abderrahmane ben Hicham (1822-1859) se voit quelque peu contraint, sous la menace d’une escadre anglaise au large de Tanger, à signer le traité anglo-marocain sur le commerce et la navigation. L’article 3 dudit traité stipule que «le chargé d’affaires sera libre de choisir ses propres interprètes et domestiques parmi les musulmans ou autres, et ni ses interprètes, ni ses domestiques ne seront contraints de payer aucun impôt de capitation aucun impôt forcé ou d’autres charges semblables».
Par Farid Bahri
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