C’est le thème d’une exposition internationale où des photographes se sont attelés à exprimer leur point de vue à propos de cette problématique ô combien actuelle. La frontière n’est pas uniquement une métaphore ou un état psychologique que l’individu peut ressentir devant une difficulté, une interdiction ou une inhibition d’un quelconque désir. La frontière est bien plus que cela, si l’on croit les artistes photographes réunis à l’occasion de l’exposition organisée par l’Association Marocaine d’Art photographique (AMAP) à la galerie Espace Expressions CDG à Rabat. L’AMAP avait soumis, dans le cadre des rencontres photographiques de Rabat qui se tiennent chaque année, un argumentaire appelant les photographes à leur fournir des œuvres allant dans le sens de cette problématique pour la session 2019. Dans la note de cadrage, les organisateurs ont tenu à préciser qu’au-delà des dimensions géopolitiques de la frontière, il ne faut pas oublier les aspects linguistiques, économiques, mais surtout raciaux, culturels, sexuels, régionaux…
Des artistes de tous les âges venant du Venezuela, de Palestine, d’Espagne, d’Algérie, du Maroc, de France, du Mexique, d’Allemagne, d’Irak… ont mis leurs œuvres à la disposition des organisateurs afin de les exposer au regard du public de Rabat. Comment donc certains artistes ont-ils traité cette question d’actualité ?
Les frontières visibles et invisibles telle la discrimination raciale sont traitées par l’artiste palestinien Tayssir Batniji de Gaza, où il est fait allusion aux transits et aux interminables contrôles auxquels sont soumis les Palestiniens dans toutes les frontières du monde, et surtout aux frontières des pays voisins où ils sont obligés d’aller travailler ou commercer tous les jours. D’un autre côté la frontière des genres où l’artiste marocaine Kenza Benjelloun s’attaque à la censure sociale par rapport à la vie sexuelle des marocains. Dans un travail intitulé « Aux frontières du Halal, la douane de la morale », l’artiste détourne le célèbre tableau de René Magritte (Les Amants) en le traitant sous forme d’une série où l’on voit des personnages s’embrasser à travers les voiles. Une parodie de la célèbre sentence morale : « Pour commettre le péché, cachez-vous ». Un jeu de miroir, mis sous le nez des gardiens de la morale pour faire éclater leur hypocrisie. De son côté Mehdy Mariouch de Casablanca est allé sonder la frontière entre l’imaginaire et le réel en interrogeant et en revenant sur les lieux de la prise de vue magique, celle des studios photos : on est habillé par le photographe, mis en situation devant un paysage humain, urbain ou naturel, et nous voilà enjambant les frontières du réel pour nous retrouver dans un monde rêvé ou fantasmé.
Dans un autre registre, des artistes évoquent la ligne imperceptible qui sépare l’homme de l’animal (« Danse avec les chiens » de Hassan Nadim), ou qui sépare l’homme et l’animal d’un destin tragique (« Frontière invisible », Mostapha Romli).
L’exposition a eu un succès certain et devrait, comme il est dit dans l’introduction du catalogue par la plume de Dina Naciri directrice générale de la fondation CDG, voyager à Londres au Royaume-Uni au mois de juillet.