Dans le prestigieux musée Reina Sophia de Madrid, se tient une grande exposition marocaine sous le titre « trilogie marocaine 1950-2020 », où il est présenté une vision particulière de la longue marche de l’art visuel au Maroc. L’exposition se tient en collaboration avec Mathaf, Museum of Modern Art-Qatar Museums et Qatar Fondation. Cette collaboration a été possible grâce au commissaire de l’exposition le marocain Abdellah Kerroum qui est en même temps le Directeur du Mathaf, Museum of Modern Art-Qatar. L’exposition a l’ambition de montrer au public espagnol et européen ce que l’art marocain a réalisé en si peu de temps et comment a-t-il pu se hisser au niveau international. C’est ce qui explique son caractère historique. L’exposition est, selon le commissaire, un moment pour montrer la centralité de l’art quant à notre évaluation du passé du Maroc. Pour réussir ce challenge, il a procédé à réunir un ensemble d’œuvres réalisées par des artistes de différentes générations. À savoir une première génération du début des années 1950 jusqu’à 1969, une deuxième allant de 1970 à la fin des années 1980 et englobant la sinistre décade dite les années de plomb selon le commissaire, et une troisième qui débute en l’an 2000 jusqu’en 2020, l’année où l’exposition fut mise en place. De là, la Trilogie Marocaine ; trois moments qui ponctuent l’histoire de l’art au Maroc, certes, mais qui mettent en valeur aussi des instants politiques, économiques sociaux et culturels d’une importance capitale.
La première génération s’est occupé à décoloniser l’enseignement et à militer pour une identité plastique marocaine en s’engageant pleinement dans les problématiques en vogue à l’époque, notamment le tiers-mondialisme, le tri-continentalisme et les spécificités culturelles face à l’hégémonie artistique, culturelle et intellectuelle de l’Occident, comme ils le concevaient à l’époque. Cette initiative s’est heurté bien entendu à des pouvoirs politiques qui hésitaient ou refusaient de s’affranchir de leur soumission aux anciens occupants. Du coup, la lutte pour affirmer la personnalité culturelle s’est transformée en action militante contre les régimes. Un face à face qui qui s’est traduit au niveau du Maroc par l’arrêt brutal de la revue «Souffles», que ces artistes considéraient comme leur porte-parole par excellence.
La deuxième génération née artistiquement dans ce climat tendu a préféré le silence et le retrait en se réfugiant dans l’expression abstraite. Une pratique basée sur des problématiques plastiques et une peinture rétinienne d’une part un réinvestissement souvent peu heureux du legs de la première génération à savoir la réexploitation des signes amazighe et arabo-musulmans. Il a fallu attendre les années quatre-vingt-dix et la réforme de l’École des Beaux-Arts de Casablanca d’abord puis celle de Tétouan par la suite, pour pouvoir voir les jeunes aborder d’autres médiums et d’autres sujets ayant trait plus à leur quotidien.
L’exposition est ouverte jusqu’au 27 septembre 2021.
Par Moulim El Aroussi