Le Maroc et la Turquie entretiennent une relation aussi ancienne que riche, complexe, ambigüe. Et méconnue, surtout ! Tantôt amis, tantôt rivaux, voire les deux à la fois, les deux pays ont toujours soufflé le chaud et le froid. Au point que leur histoire commune se prête à deux lectures contradictoires, selon que l’on se trouve à Rabat ou Istanbul. Depuis l’époque des empires chérifien et ottoman jusqu’à aujourd’hui, en passant par la Grande Guerre, le démantèlement de la toile ottomane et la naissance de la Turquie actuelle, le Maroc a toujours été fasciné par le modèle turc. Mais une fascination étrange, contrariée, que la parenthèse du Protectorat s’obstinera à limiter. Sans l’éradiquer. Zamane perce le secret de cette histoire si complexe et décrit l’origine et surtout l’étendue de l’influence turque, qui continue de s’exercer même dans la vie quotidienne des Marocains, touchant à leur habitu des culinaires, protocolaires et jusqu’à leur lexique, cette darija marocaine qui regorge d’expressions d’origine turque.
Nous sommes dans le XVIème siècle, à la sortie du Moyen Age. L’empire ottoman a le vent en poupe, alors que le Maroc sort de deux siècles de décadence, entre la fin des Mérinides, l’intermède Wattasside, et le début compliqué de l’ère des Saâdiens. Les rapports qui s’établissent entre les deux pays sont alors à l’image de l’époque : compliqués. De Constantinople, ancienne Byzance (et future Istanbul), le Maroc est assimilé à Fès. On l’appelle d’ailleurs le royaume de Fès, ou Fès tout court. À Fès, justement, les Wattassides, avant tout soucieux de préserver le pouvoir à tout prix, se soumettent volontiers à l’autorité ottomane. Le Maroc se vassalise partiellement, et par séquences, y compris après l’arrivée des Saâdiens. Si Ahmad Al-Mansour prend ses distances avec la Sublime porte, il lui emprunte son apparat, son lustre. Le XVIème siècle marque ainsi le début de l’influence turque. Pas tant politiquement que militairement et culturellement. Mais les Ottomans ne pousseront jamais plus loin.
Par la rédaction
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