S’ils n’ont jamais occupé le Maroc, les Turcs ont longtemps exercé une certaine influence, et une influence certaine, quoique diffuse, sur la société marocaine. D’où vient-elle ?
Beaucoup ont essayé de résoudre cette énigme : pourquoi les Ottomans n’ont jamais réellement occupé le Maroc alors qu’ils en avaient, militairement, les moyens ? Les réponses sont plurielles. La première s’appelle l’éloignement géographique que la flotte turque n’a jamais pu réduire à néant. Une deuxième explication nous est fournie par la nature même du territoire marocain : contrairement à ses voisins, il n’est pas ouvert mais fermé par la mer. Le cœur du pouvoir est à Fès et Marrakech, loin de la mer et hors de portée pour la flotte ottomane. Même la contestation, essentiellement incarnée par les zaouias des oasis du sud, est imperméable. Pour déstabiliser le pouvoir central, ou contrôler son opposition, il ne reste que la voie terrestre, en provenance d’Alger.
Pour occuper le Maroc, les Ottomans auraient sans doute couru le risque de perdre Alger, en étant pris au piège espagnol à partir d’Oran. Ce risque, ils ne le prendront jamais. Parce que la prise définitive de Fès aurait entrainé l’ouverture d’un front de guerre dont les Ottomans se seraient bien passés, eux qui étaient déjà occupés à guerroyer en Europe. Il fallait reporter l’objectif Fès, qui aurait sans doute entrainé une guerre directe contre les Ibériques. Les souverains marocains, qu’ils soient Saâdiens ou Alaouites, ont d’ailleurs de cette équation géopolitique pour repousser les ardeurs turques. Pendant ce temps, l’influence ottomane continuait de pénétrer la société marocaine, touchant jusqu’aux arts culinaires.
Par Karim Boukhari
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