Le 3 mars 2025 prendra fin, au Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain (MMVI) de Rabat, l’exposition sur le mouvement Cobra, ouverte depuis le 20 octobre 2024. Cette exposition célèbre, parmi d’autres activités, le 10ème anniversaire de la création de ce musée. Cobra, dont les fondateurs ont choisi le nom en reprenant simplement les premières lettres des villes où le mouvement est né, évoque Copenhague, Bruxelles et Amsterdam. Cela montre qu’ils ne cherchaient aucunement à élaborer une quelconque philosophie complexe pour leur mouvement. Le mouvement Cobra en art est né en 1948, lors d’une réunion de jeunes artistes à Paris, désireux de rejeter les conventions artistiques rigides et de répondre à l’après-guerre par une créativité libre et intuitive. Les artistes fondateurs de Cobra incluent des figures comme Karel Appel, Asger Jorn et Christian Dotremont. Dans la tourmente de l’après-guerre et face à la faillite des idées prometteuses d’un Occident libérateur et humaniste, des poètes, écrivains, artistes et politiques ont commencé à remettre en question les idées fondamentales ayant servi à bâtir la nouvelle civilisation occidentale. Les jeunes de Cobra s’inscrivent pleinement dans ce sillage. L’élément fondamental dans la philosophie de Cobra était son intérêt pour l’art et la culture non occidentaux. Les membres du mouvement puisaient dans les expressions extra-occidentales, en Afrique, en Océanie ou en Amérique latine, une source inépuisable d’inspiration pour leurs formes et leurs couleurs. Ils traquaient l’énergie primaire, vitale et universelle de l’expression artistique de ces peuples en marge de la civilisation dominante. Leur démarche constituait également une critique implicite de l’eurocentrisme et une tentative d’élargir le champ de l’art moderne au-delà des traditions occidentales. Cobra n’était pas seulement un mouvement artistique, mais aussi un manifeste politique et social, un cri face au capitalisme dominant et au rationalisme sauvage. Les membres souhaitaient réconcilier l’art et la vie, en intégrant leur travail dans le quotidien et en s’adressant à un public large et non élitiste. Leur approche, quelque peu humaniste et utopique, visait à transformer la société par une libération des forces créatives qu’ils considéraient comme inhérentes à tout être humain. Cette volonté d’aller au fond de soi, en écartant toute influence de la culture et de l’éducation acquise ou imposée, les a orientés vers des artistes dits primitifs ou naïfs. Ainsi, ils ont porté un intérêt particulier à la peintre marocaine spontanée Chaïbia Tallal. Cette artiste leur fournissait la preuve de la véracité de leur posture artistique. Ils l’ont ainsi adopté et considéré comme un membre à part entière de la mouvance Cobra. C’est pour cette raison que le Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain lui a dédié une place de choix dans cette exposition, un moment important de l’histoire de l’art du XXème siècle.
Par Moulim El Aroussi