On ne peut comprendre les fondements politiques, stratégiques, économiques et sociaux de la Mauritanie sans donner unaperçu de la richesse et de la complexitéde son organisation anthropologique.
Les Maures représentent l’ensemble des populations aujourd’hui arabophones (environ 60%). Anciens nomades, éleveurs et parfois agriculteurs d’oasis, ils sont organisés en confédérations tribales, elles-mêmes subdivisées en tribus ou clans élargis. Certaines tribus sont prédominantes, en raison de l’histoire, ancienne ou récente. Horizontalement, une rivalité constante oppose les tribus du Sud (Trarza, Brakna…), du Nord (Adrari et Sahraoua), du Tagant (au centre) et du Hodh (sud-est,autour du triangleKiffa-Tichit-Nema). Ces groupes sont également structurés de manière verticale selon un schéma constitué au cours du Moyen-Age et parachevé lors de la conquête arabe. Ce schéma rappelle étrangement les trois ordres européens ou les castes indiennes.
Au sommet de la pyramide se trouvent les marabouts (mrâbtin ou zwâyâ), en général à la peau claire. Souvent réputés d’ascendance berbère almoravide, ils sont parfois sédentaires. Des clans maraboutiques accompagnent la plupart des grands clans arabes. Les marabouts sont les cadres religieux de cette société et sont fort utiles en cas de négociations entre tribus rivales. L’étage secondaire est aussi le plus puissant : il s’agit des ‘Arab (nomades revendiquant une ascendance orientale), avec à leur tête les tribus authentiquement «Hassan». Ils ont souvent le physique propre aux orientaux, le teint mat, les cheveux lisses. Ce sont les militaires. Le dernier étage est numériquement le plus important. Il est constitué des tribus vassales ou tributaires, les Znâgâ, descendants des Sanhaja (en berbère Iznagen). Quelques groupes comprennent encore le dialecte berbère du Sahara. Ils ont une culture agricole importante, ce sont les laboureurs. Traditionnellement, ils nourrissaient les deux autres groupes dominants en échange de leur intercession, divine pour le premier et terrestre pour le second.
Les chorfa forment, comme au Maroc, une catégorie à part, au statut évidemment supérieur. Théoriquement, ils ne se marient qu’entre eux, leurs familles sont plus anciennement implantées que celles des Hassan et, bien sûr, généralement plus riches que la moyenne. Hors-caste, on trouve aussi les groupes des forgerons (haddad) et des griots (géhué), au statut inférieur. On reconnaît les premiers à leur teint extrêmement foncé, sans avoir les traits négroïdes pour autant. Les griots sont les chantres et poètes attitrés des grands marabouts et chefs de clans.
Par Simon Pierre
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