Dans sa grande étude sur le Maroc du XIXe siècle, l’historien Abdellah Laroui en parlant de l’unité des Marocains précise qu’elle est «postulée comme s’il s’agissait d’un programme à réaliser graduellement». Il souligne, pour le Maroc précolonial que «cette unité postulée n’était pas inscrite dans la nature, dans un système routier, un ensemble structuré de villages, une monnaie nationale unique, etc… Les hommes circulaient beaucoup plus que nous ne sommes tentés de le croire, mais non les idées, les ordres, tout ce qui est immatériel et relie les hommes lorsqu’ils sont séparés physiquement. Ici, pour se réunir, il fallait se déplacer».
On se déplaçait effectivement à pied, ou à dos de mulets. Aussi quand la modernité occidentale força-t-elle nos frontières avec son arsenal technique et technologique, notre riposte à été dispersée, faiblement coordonnée et motivée uniquement par la notion vague du Jihad. Les idées ne circulaient pas facilement dans notre espace, et la vitesse de déplacement des hommes et des animaux était nettement inférieure à celle des machines occidentales. C’est d’ailleurs une des raisons du retard de l’apparition du nationalisme marocain comme pensée politique. Depuis ce forcing européen, notamment français, les Marocains ont eu un contact ambigu avec la modernisation de leur espace et de leurs modes de vie. Quand les premiers tronçons de rail ont été posé, ici ou là, dans ce Maroc du début du XXe siècle, les réactions étaient mitigées. Le train, ce «babour El Bar», fascinait et faisait peur en même temps. Il amenait certes une facilité de transport mais il menaçait la souveraineté et l’indépendance du pays. Quand celle-ci a été aliénée par l’acte du protectorat en 1912, le développement du chemin de fer s’imposa avec la même brutalité que la pénétration coloniale.
Par la rédaction
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