Ce n’est pourtant pas faute d’avoir prévenu. Dans le sud-est du Sahara algérien, la France, encore en guerre contre sa colonie, prévoit de tester ses premières bombes atomiques. Inquiet des répercussions, le Maroc juge l’attitude de Paris hostile et saisit l’ONU. Mohammed V en profite pour rappeler que la région visée par les essais est historiquement rattachée à son royaume. A cette époque, le Maroc entend toujours récupérer des territoires de l’oriental. Rien n’y fait, le 13 février 1960, la première bombe atomique française déchire le site saharien de Reggane. L’offensive onusienne du Maroc est royalement ignorée. Furieux, le roi Mohammed V transmet une note au gouvernement français deux jours plus tard où il «considère qu’il n’y a plus de quoi maintenir en vigueur l’accord diplomatique signé entre le Maroc et la France le 28 mai 1956 […] Cette prise de position est motivée par l’attitude inamicale du gouvernement français qui, passant outre les démarches du gouvernement du Maroc, avait procédé à l’explosion de sa première bombe atomique à Reggane, c’est-à-dire à un lieu ayant fait, de façon incontestable, partie du territoire marocain». Cette fois, le monarque est explicite dans sa revendication territoriale. Dans la foulée de ce communiqué incendiaire, il rappelle l’ambassadeur marocain à Paris. Les deux pays traversent alors la plus grave crise bilatérale depuis l’indépendance du royaume en 1956. Une fois de plus, la France ne présente aucun signe d’apaisement. Pire, Paris annonce son intention de procéder à de nouveaux essais à Reggane. Ni une nouvelle tentative de saisir les Nations Unies, ni la virulence du monarque à l’égard de la France lors de la Conférence de Casablanca en janvier 1961, ne changent la donne. Jusqu’en 1996, la République teste 210 armes nucléaires. Les innombrables victimes en Afrique ou dans les atolls d’outre mer ne sont toujours pas indemnisées, ni même reconnues.
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