Retour, sur la base d’archives et de documents inédits, sur le parcours hors-norme du général Edouard Méric, très utile pour comprendre ce qui s’est passé entre la fin du protectorat et l’indépendance du royaume.
Comment un officier de l’armée d’Afrique, trentenaire lors de l’Exposition coloniale de 1931 et officier d’ordonnance de Lyautey en 1933, peut-il se déprendre de son milieu d’appartenance, pour ouvrir la voie du passage à l’indépendance aux nationalistes impatients de prendre la relève, sans faire table rase de son passé colonial ? Ce fut le fait du général Méric (1901-1973), dont le profil correspond peu au portrait-type de l’anticolonialiste, intellectuel progressiste ou chrétien de gauche. Au cours des années 1930, Méric fut un praticien des Affaires indigènes dans l’extrême sud marocain en poste, successivement, à Foum Z’guid, Tata et Goulimine. Il sera durablement marqué par l’héritage des Bureaux arabes : l’art du renseignement et la pratique des langues vernaculaires (la darija et le tachelhit), l’aptitude à la sociographie (il confectionne des monographies sur la région de l’oued Noun et le revers sud de l’Anti-Atlas) et l’option résolument indigénophile. La seconde guerre mondiale le jette à Alger en 1942 dans la conspiration montée par Jacques Lemaigre Dubreuil afin de faciliter le débarquement des Américains réalisé le 8 novembre. Il est vichysto-résistant et non point gaulliste, comme le furent ses amis officiers méharistes qui rallièrent la France libre. Sa contribution à la neutralisation du général Juin, commandant en chef des troupes d’Afrique du Nord, l’introduit dans l’Etat-major du général Giraud. Il a peu de goût pour conduire la guerre d’en haut. Il rejoint le 2ème groupe de tabors marocains, commandé par le lieutenant-colonel Boyer de Latour, et participe aux campagnes de Tunisie contre les Allemands et les Italiens au cours du premier semestre 1943, et à la libération de la Corse en octobre. Puis, il est de ceux qui libèrent Marseille fin août 1944 et est fait compagnon de la Libération, ce qui est exceptionnel pour un officier appartenant à l’armée d’Afrique. Ensuite, il est engagé dans les très dures campagnes que la première armée française livre aux Allemands dans les Vosges et en Alsace.
Par Daniel Rivet
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