La monarchie marocaine est face à un dilemme : saura-t-elle partager le pouvoir sans le perdre ?
C’est cette tension qui, depuis l’Indépendance, régit le rapport de la monarchie au jeu électoral : nos décideurs ont bien conscience des avantages que présente le choix démocratique : soutien des grandes puissances, renouvellement des élites, développement économique et humain par la méritocratie, etc. Dans le même temps, ils ont en tête les risques de toute ouverture démocratique non contrôlée : lorsqu’elles échouent, les expériences démocratiques aboutissent parfois aux pires atrocités. La République de Weimar n’a-t-elle pas donné le IIIe Reich ? La révolution française ne s’est-elle pas enlisée dans l’anarchie, avant d’être récupérée par un homme providentiel ? Plus proche de nous, nos voisins algériens n’ont-ils pas fait l’amère expérience d’un processus électoral non maîtrisé et interrompu ? Telle est donc l’équation de la monarchie marocaine : comment partager le pouvoir sans le perdre, sans tout perdre ? A vrai dire, de Mohammed V à Mohammed VI, le Makhzen n’a rien cédé sur l’essentiel. Les mêmes moyens sont utilisés et affinés pour garder la haute main sur l’équilibre politique du pays. Par des méthodes légales ou des techniques plus ou moins frauduleuses, l’Etat a toujours entendu régir la compétition politique.
Quand l’Etat « régule » les élections
Au premier rang des moyens utilisés pour façonner une carte électorale favorable, figure bien entendu le mode de scrutin. L’élection au scrutin proportionnel de liste à un tour a été introduite en 2002. Or ce mode de scrutin, voulu par le ministère de l’Intérieur et approuvé par les partis, pose plusieurs problèmes. D’abord, l’absence de second tour empêche les rapprochements entre partis et contribue donc à l’émiettement du champ politique. Le scrutin proportionnel, ensuite, ne donne aucune « prime au premier » et ne lui confère que peu de marge de manœuvre par rapport à ses concurrents. Une coalition unie et puissante est difficile dans ce cas de figure. Enfin, loin d’enrayer le marchandage électoral, les listes de candidats qui ont remplacé les candidatures uniques ont démultiplié les possibilités d’arrangements purement électoralistes.
Par la rédaction
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