Dans cet entretien exclusif, Zamane tente de comprendre les motivations d’un homme qui a joué un rôle important dans le complot de 1973, plus connu par «les événements de Moulay Bouazza», et qui aurait pu plonger le Maroc dans une guerilla/siba sans précédent.
Pourquoi ce livre, et pourquoi aujourd’hui ?
Le climat politique dans le Maroc actuel est apaisé. Ce paramètre est important parce qu’il rend le dialogue et l’échange possibles. Cela donne de la sérénité au débat autour de certaines questions hier encore taboues. J’ai le sentiment que les Marocains ont envie de parler de leur passé en se regardant dans les yeux. Il me semble que même les institutions ne voient pas forcément d’un mauvais œil le fait que le «peuple» écrive sa propre histoire, qu’il s’en approprie, enfin. Surtout la jeunesse de ce pays, à laquelle ce livre s’adresse avant tout, et qui ne connait pas tous les événements qui ont façonné l’histoire récente du Maroc. Pour comprendre le présent, il est nécessaire de connaitre le passé.
On peut penser que vous avez attendu la disparition d’Abderrahmane Youssoufi (mai 2020), qui est l’un des personnages principaux de votre livre, avant de vous lancer… Non ?
Pas du tout. Abderrahmane Youssoufi connaissait le projet. Au cours des dernières années de sa vie, je lui ai souvent rendu visite dans sa maison à Casablanca et on a beaucoup, beaucoup échangé. Ce livre de mémoires, c’est l’histoire de ma vie et Si Abderrahmane et d’autres font partie de cette histoire… Je pense sincèrement que Youssoufi voulait que certaines choses soient dites, mais pas forcément par lui… Il me poussait et m’encourageait à écrire, il ne voulait pas que l’on oublie… Il me disait : «Il y a des choses que je ne peux plus dire, mais qu’il faut quand même dire»… Ce livre de mémoires ne raconte pas seulement mon histoire personnelle, mais celle d’une génération, voire plusieurs. Nous étions des milliers à nous être engagés dans l’action politique, et plus encore. Mais il s’agit de dépasser la victimisation ou la sacralisation. Il faut nuancer. Nous n’étions ni des héros, ni des victimes. Certains racontent leurs histoires en omettant de nous renseigner : quel était leur projet (de société) ? Que voulaient-ils exactement faire et contre qui ? Il est utile de mettre tous ces éléments à plat. Mon livre s’inscrit en tout cas dans cette optique.
Propos recueillis par Karim Boukhari
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