Le tant attendu premier gouvernement istiqlalien du Maroc indépendant ne fait pas long feu. Cet échec préfigure le futur schisme de l’Istiqlal et la création de l’UNFP le 6 novembre 1959. Les premières fissures sont l’œuvre de sa propre centrale syndicale, l’UMT. Récit d’un conflit fratricide.
«Quiconque s’obstine à nager à contre-courant de la révolution, se verra dépasser par les masses populaires». Même une fois arrivé à la tête du gouvernement en décembre 1958, Abdellah Ibrahim continue de mettre en garde ses rivaux. Dans cette interview accordée au quotidien français Le Monde, le futur secrétaire général de l’UNFP règle ses comptes avec les ténors de l’Istiqlal. Sa nomination à la tête du gouvernement survient suite à une lutte intense menée contre son propre camp. En compagnie de ses camarades Fqih Basri, Mehdi Ben Barka et Mahjoub Ben Seddik, Ibrahim s’acharne à détrôner Ahmed Balafrej et ses amis de l’aile conservatrice du parti.
Le combat oppose donc le gouvernement Istiqlal à l’opposition Istiqlal. Au cœur de cette lutte fratricide, un seul élément est capable de faire basculer la tendance. Il s’agit de l’immense réservoir constitué par l’Union Marocaine du Travail (UMT) depuis sa fondation le 20 mars 1955. Dirigée depuis par Mahjoub Ben Seddik, le seule centrale syndicale autorisée au Maroc est une force colossale. L’historien René Gallissot estime que le nombre d’adhérents UMT a atteint 600 000 individus en mai 1956, soit près de deux fois le nombre des encartés à l’Istiqlal. De plus, la centrale de Mahjoub Ben Seddik dispose d’autant de sièges que le « parti de la libération » au sein de l’Assemblée Nationale Consultative instituée par Mohammed V à l’indépendance.
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