En 1960, Mohammed V se rapproche des Etats progressistes du continent et les convie à s’unir contre la puissance occidentale. Une dynamique qui se concrétise avec la conférence de Casablanca en 1961 mais qui s’essoufflera rapidement…
Nous sommes au tout début du mois d’août 1960. Le roi Mohammed V reçoit le leader nationaliste congolais Patrice Lumumba à Rabat. Non seulement Bruxelles est en colère, mais la France ne sait plus où donner de la tête avec Mohammed V. Un roi qui « traficote » avec les révolutionnaires les plus à gauche du continent ! Est-ce concevable ? Washington est au moins aussi inquiet que Paris. Mieux, Mohammed V enfonce le clou en déclarant publiquement à son hôte : « Le Maroc est à vos côtés et met à votre disposition les enseignements de son expérience, ainsi que ses moyens d’action diplomatiques, militaires et techniques pour vous aider à vaincre vos difficultés actuelles. Vous êtes du côté du droit et de la justice qui finissent toujours par triompher ». Le prince héritier Moulay Hassan est persuadé que son père fait fausse route mais ne pipe mot. Car la nouvelle orientation anticolonialiste, voire antioccidentale, de son père fait partie d’un tout et s’il touche à l’un de ses éléments, il risque d’entrer en conflit ouvert avec Mohammed V. Il fait le choix donc de se taire, tout en « modérant » ce qu’il peut des décisions de son père qui malmènent les intérêts de l’Occident au Maroc et en Afrique. De plus, l’UNFP (Union nationale des forces populaires), dans l’opposition depuis quelques mois, attend le moindre faux pas du prince pour tirer à boulets rouges sur son prétendu penchant pro-français. Mehdi Ben Barka parcourt déjà l’Afrique en vue de mettre en place un front anti-impérialiste qui va du Caire à Accra et du FLN algérien à l’ANC, en Afrique du Sud. Suite à l’échec de sa visite en France en 1959 – du fait, entre autres, du différend sur l’Algérie – et aux succès diplomatiques enregistrés avec le président du Conseil Abdallah Ibrahim à l’occasion de leur visite en Egypte, en Irak (tous deux des républiques « progressistes ») et dans d’autres pays du Proche-Orient début 1960, Mohammed V cherche des soutiens en Afrique subsaharienne. Il revendique la Mauritanie comme territoire marocain, mais celle-ci avance à grands pas vers l’indépendance. Il faut faire quelque chose, sinon Allal El Fassi pourrait mettre fin à son soutien au gouvernement royal formé fin mai 1960, présidé par Mohammed V en personne et fortement contesté par les leaders de l’UNFP. Le modéré Abderrahim Bouabid parle même du risque de voir s’établir au Maroc un régime fascisant.
Par Maâti Monjib
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