Derrière l’image d’Epinal d’une société multiculturelle harmonieuse, se cache un violent conflit ethnique. Les affrontements internes, qui opposent Amazighs et Arabes, sont aussi le reflet d’une société troublée. Durant ses huit siècles d’existence, Al Andalus n’est jamais parvenue durablement à fonder ce qu’on appellerait aujourd’hui une nation. Origines d’un conflit ethnique tabou…
Des souverains éclairés, des poètes audacieux, des savants brillants, le tout dans une société bienveillante et multiculturelle. Cette image n’est pas qu’un fantasme lié à ce fameux âge d’or andalous. Elle était sans doute une réalité mais noyée par une autre, bien moins reluisante. Celle d’une société sous tension qui n’est jamais arrivée à assumer sa nature cosmopolite. Depuis ses origines et la conquête de Tarik Ibn Zyad en 711, Al Andalus est condamnée à inventer une formule offrant l’égalité à tous les composants de sa formidable mosaïque. En ce sens, Al Andalus aurait du être l’Amérique de son époque. Sans doute que ce gigantesque laboratoire est trop précoce et que les nombreux obstacles ont finalement eu raison de son existence même. Si le déclin, puis le chute de cette surprenante expérience, sont aisément imputables à la réussite des ennemis naturels de pouvoir musulman d’Al Andalous, à savoir les royaumes chrétiens, ces derniers se sont bien engouffrés dans une brèche. Celle des querelles intestines cristallisées par l’opposition entre Amazighs et Arabes. Ce conflit fratricide est finalement peu exploré par la recherche. D’abord car les études autour de l’histoire migratoire et politique des Amazighs est marginalisée puisque englobée dans celle, plus vaste, du monde musulman dominé par l’arabité. Même si Ibn Khaldoun s’y est essayé au XIVème siècle, elle demeure mal documentée et surtout très orientée.
Par Sami Lakmahri
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