Avec la montée concomitante des extrêmes en Israël et dans le monde arabe, la Shoah s’est trouvée au cœur de deux discours qui s’affrontent.
Au regard des faits, on ne peut accepter la thèse selon laquelle tous les Arabes auraient adhéré au nazisme et à sa politique antisémite, ni qu’ils se seraient rangés comme un seul homme derrière le Mufti Al Husseini devenu hitlérien. Même s’il est parvenu, à un certain moment, à mobiliser de nombreux partisans, on ne peut pas non plus continuer à affirmer que le Mufti fut le héros des peuples arabes. L’Israélien Zvi Elpeleg note qu’à sa mort, en 1974, son souvenir avait disparu de la conscience palestinienne : « Aucun jour de deuil ne fut décrété en sa mémoire… son nom ne fut donné à aucune rue… aucun mémorial ne fut construit en son honneur ». N’était-il pas le symbole de la défaite ?
En revanche, les sionistes n’ont pas manqué de tirer argument de l’antisémitisme d’Al Husseini et de sa collaboration avec Hitler pour noircir l’image des Arabes. Le spectre du Mufti est aujourd’hui encore brandi par la doxa officielle en Israël : il est en bonne place à Yad Vashem, le mémorial de la Shoah à Jérusalem. Le mur qui lui y est réservé, explique un autre Israélien Tom Segev, vise à persuader le visiteur que la volonté des nazis d’exterminer les Juifs et l’hostilité arabe à Israël ont des points communs. De même, dans l’Encyclopedia of the Holocaust, publié avec le concours de Yad Vashem, l’article consacré au Mufti est beaucoup plus long que ceux dédiés aux principaux responsables nazis tels que Goebbels, Himmler, Eichmann, etc.
Ruth Grosrichard
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