Depuis l’Antiquité marocaine, et plus précisément après le départ des Romains et la fin de la Maurétanie Tingitane, il y a eu certaines périodes obscures, voire noires, desquelles il n’y a eu que peu de traces, notamment écrites. Ces «trous» qui émaillent l’histoire du Maroc comme celle du reste de l’Afrique du nord, ont toujours fait l’objet d’un débat tant historique qu’idéologique. Les historiens arabes limitent ces périodes obscures à tout ce qui a précédé l’avènement de l’ère islamique. Au contraire des chercheurs européens qui qualifient de «siècles obscurs» la période intercalée entre l’arrivée des conquérants arabes et celle des tribus hilaliennes. Mais qu’en est-il réellement de ces trous noirs ? Où commencent-ils ? Où se terminent-ils ? Zamane a mené l’enquête et vous donne les éléments pour mener votre réflexion à propos de segments sensibles et ô combien importants de notre propre histoire. Un voyage de plus, et des plus passionnants.
Avant d’aller plus loin, il faut revenir en arrière pour comprendre comment l’histoire du Maghreb a été recomposée. C’est relativement récent. Il y a un avant la pénétration française en Algérie et un après. Avant, l’histoire était consignée par des chroniqueurs amazighs, chrétiens, arabes, qui ont cédé la place à partir surtout des Mérinides aux historiographes. À l’exception notable d’Ibn Khaldoun, qui a fait un vrai travail d’historien, critique et lucide, qui a croisé et recoupé les récits, menant une recension générale de tout ce qui a été écrit à droite et à gauche, tous les autres travaux «locaux» étaient parcellaires, incomplets, secs, voire «myopes», passant sous silence des événements clivants de l’histoire maghrébine. En plus de vrais «trous», comme pour le passage des Idrissides qui n’a été notifié que sur le tard, ce qui ouvre la porte aux spéculations et augmente la marge d’incertitude, ces travaux étaient pour l’essentiel de simples annales, s’intéressant davantage à l’arbre généalogique (le fameux nasab) des hauts personnages qu’à leurs motivations. Ils racontaient mais n’expliquaient pas, faisant fi de la géostratégie de leur époque. La meilleure illustration de ces manquements coupables reste le gargantuesque «Rawd al-Qirtas» (XIVème siècle) où le taux de déchets, entre approximations et désinformation, reste énorme.
Par la rédaction
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