Le concept des siècles obscurs au Maghreb met l’historien devant l’une des difficultés méthodologiques les plus épineuses : il s’agit bien là d’une extrapolation du célèbre concept des siècles obscurs grecs. En fait, on oppose les supposées périodes obscures à ce que l’on nomme souvent l’Âge d’or d’un État ou d’une civilisation.
Les Arabes avaient eux aussi nommé les siècles qui avaient suivi la chute du califat de Baghdad en 1258 et sa destruction par les armées mongoles (Houlagou, le petit-fils de Gengis Khan) et précédé ce que l’on a appelé par la suite Annahda (la Renaissance arabe), les siècles des ténèbres. On oppose les périodes de domination des pouvoirs centraux à des périodes où prévalent l’affirmation des cultures locales et la puissance des pouvoirs régionaux. Faut-il savoir si l’on parle de la terre ou de ses habitants ? Les berbères, habitants du Maghreb, ont-ils jamais renseigné l’histoire par eux-mêmes ? Ils ont toujours été décrits de l’extérieur. Quand il y avait un occupant, qui parlait de ses propres actes et de ses propres réalisations sur la terre d’Al Maghrib, on parlait d’histoire. Mais quand il était vaincu, repoussé au-delà des frontières on ne trouvait plus trace des événements, on parlait alors d’obscurité. Quand les yeux des étrangers ne voyaient plus rien, on parlait de noir, d’opacité et d’absence de l’histoire. Or les berbères continuaient à vivre sur leurs terres à produire, à se reproduire et à vivre leur vie cultuelle et spirituelle.
Par Moulim El Aroussi
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