On considérait les peintres dits naïfs, arrivés sur la scène artistique sans avoir jamais fréquenté une école d’art, comme de pures fabrications des néo-colonialistes, ceux qui cherchaient à bloquer l’accès du Maroc à la modernité et donc au développement. Qu’en est-il ?
La peinture naïve, spontanée ou onirique, a suscité un débat houleux dans la presse et les débats culturels du Maroc indépendant. Elle était bannie de la critique locale et tout était fait pour qu’elle ne soit pas mise sur le même pied d’égalité que la peinture savante, celle produite par des artistes ayant étudié dans des écoles connues ou ayant été autodidactes, mais après être passés par l’école moderne. Mais quel était donc le péché de cette peinture (ou plutôt de ces peintres), produite pourtant par des Marocains ? Si l’on revient aux origines de cette pratique, dite naïve, on verra qu’elle est née dans les ateliers des artistes européens, majoritairement français, qui ont entretenu une relation plus ou moins douteuse avec les forces d’occupation. Il s’agit surtout d’une pratique picturale figurative qui ne respecte ni les règles de la perspective, ni la précision du dessin, ni même la maîtrise de la couleur et de ses nuances. Les artistes naïfs font confiance à la spontanéité de leur geste et à leur instinct quant à leur relation à la couleur. Ils sont plus ou moins naturels, bruts et sans aucune formation artistique ou intellectuelle. Leurs origines sociales varient selon les époques et les régions du Maroc d’où ils proviennent. En grande majorité d’origines modestes, ils ont quitté leur campagne pour s’installer en ville en vue de travailler et d’apporter leur soutien matériel à leur famille. Ils ont été recueillis dans des foyers d’européens et souvent chez des artistes ou des intellectuels occidentaux. Les grands centres de l’art naïf furent sans conteste Marrakech et Tanger.
Par Moulim El Aroussi
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