Il faut se prémunir de simplismes, et du diktat du noir ou blanc, pour voir toute la palette des nuances entre le blanc et le noir, et surtout les interactions, fécondes, de par et d’autre, entre les deux rives du détroit du Gibraltar.
Pour longtemps, les Ibères ont constitué, pour nous autres Marocains, l’Autre. Et inversement. Le «Moro» a joué dans l’imaginaire des Ibères le rôle de l’Autre, source de danger et de menace. La littérature, sur le spectre de la Moromania, est abondante pour qu’on s’y attarde. Il faut aussi rappeler les contrecoups du 11 septembre et les lectures qu’une certaine droite avait fait de l’événement, avec le rappel de la date fatidique de 732 et le parallèle entre Tarik Ibn Ziyad et Ousama Ben Landen. Une certaine frange continue de brandir ce spectre. Fort heureusement, une autre tendance, plus prégnante, met en exergue les interactions entre les deux rives. Il faut se prémunir de simplismes, et du diktat du noir ou blanc, pour voir toute la palette des nuances entre le blanc et le noir, et surtout les interactions, fécondes, de par et d’autre, entre les deux rives du détroit du Gibraltar. Deux écoles se départagent l’imaginaire espagnol : celle du référent religieux et du sang, conduite par Claudio Sanchez Albornoz, et celle du Soli (le sol), incarnée par Americo Castro. On n’a pas, de notre côté, un tel distinguo, si ce n’est par bribes. Le voisin du nord ou les deux voisins ont une longueur d’avance. L’histoire des deux rives est ponctuée de séquences de viol et de violence, de part et d’autre : la chevauché de Tarik Ibn Ziyad (732), la vassalisation du Maroc par les Omeyyades de Cordoue, la bataille de Zallaqa (1086), Alarcos (1195), Las Navas de Tolosa (1212), la Reconquista, la chute de Grenade (1492), la bataille des trois rois (1556), l’expulsion des Morisques (1609), puis l’occupation de comptoirs et de présides, jusqu’à la période contemporaine avec la guerre de Tétouan (d’après la transcription espagnole), immortalisée dans les Cales (rues) des villes espagnoles (1860). Et puis Anoual (1921) et ses contrecoups : La monarchie a cessé d’exister et l’Espagne fut aux prises de convulsions qui ont fait le lit à une guerre civile entre les phalanges et les Rouges, guerre qui a marqué les imaginaires des Occidentaux et le subconscient des Espagnols.
Par Hassan Aourid
Lire la suite de l’article dans Zamane N°167