S’il est difficile pour un homme de s’aventurer dans le Maroc d’avant Protectorat, la tâche parait encore plus périlleuse pour une femme. Pourtant, certaines aventurières occidentales ont bien relevé le pari d’explorer l’impénétrable empire chérifien, objet de tous les fantasmes orientalistes. Elles posent un regard différent sur un monde qui n’est alors épié que par le regard des hommes…
«Malgré tous leurs défauts et toute l’obscurité où ils vivent, les plus infimes bédouins sont bien supérieurs et surtout bien plus supportables que les imbéciles européens qui empoisonnent les pays de leur présence». Rares sont les hommes européens à rapporter de tels jugements dans leurs récits de voyages. Ces paroles d’une sensibilité nouvelle et d’un humanisme profond, sont celles d’une femme. Isabelle Eberhardt, que même un romancier inspiré n’aurait osé raconter le parcours, a sillonné les zaouïas marocaines pour, enfin, couper le cordon de l’ethnocentrisme occidental.
Et si les femmes étaient plus capables d’un tel détachement que leurs homologues masculins, englués dans une idéologie raciale alors dominante ? La question mérite d’être posée au regard des traces laissées par les quelques audacieuses venues explorer un pays réputé farouchement impénétrable. Lorsque les Européens entament leurs explorations du monde à partir du XVème siècle, en vue d’établir d’immenses empires coloniaux, ce vaste terrain de jeu n’est alors pas réservé aux femmes.
Les premières à braver l’interdit et à participer à des missions d’explorations ont dû le faire déguisées en hommes. C’est le cas de la botaniste française Jeanne Barret, transformée en Jean Barret le temps de devenir la première femme a effectué un tour du monde en 1768. Il faut attendre 1846 pour voire l’Autrichienne Ida Pfeiffer rééditer, seule, cet exploit.
L’exploration d’un pays comme le Maroc, si proche des côtes européennes, paraît pourtant plus à portée des aventurières. Mais sa réputation de territoire musulman farouche hostile aux femmes, en fait un pays quasiment impénétrable. Pour autant, certaines ont tenté d’épier ce qu’il se cache réellement derrière le voile orientaliste dressé par l’Occident.
Par Sami Lakmahri
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