Du Nous au Je, d’une discipline à l’autre, et de la théorie à la pratique, retour sur quelques réflexions et escales essentielles, fruits d’un parcours étalé sur une quarantaine d’années.
Au début des années 1980, il était impudique et ascientifique de parler de soi, de son parcours, de la dimension quotidienne de son travail de terrain, des raisons ordinaires qui ont orienté le choix de ses thèmes, de ses rapports aux informateurs et d’autres idées similaires. Dans un souci d’objectivité scientifique, c’était le Nous qui devait l’emporter sur le Je. Depuis les années 1990, il est devenu quasi normal que le chercheur s’inscrive dans son texte ; l’emploi du Je aurait été même érigé en un rite quasi obligatoire. On sort de la dogmatique de l’objectivité, du détachement de la vision olympienne de l’observateur pour s’engouffrer dans une autre faisant de l’engagement, de la maladie du journal et de l’inscription narcissique du Je le credo du chercheur postmoderniste.
Le terrain entre plaisir et angoisse
En restituant mon parcours, je suis conscient de ne pas être devant le même Je. Il s’agit d’une interaction, d’une relation de face-à-face décalé dans le temps, entre différents Je. Dire que j’écris sur moi-même est un peu court lorsque je réfléchis sur une longue durée. Certes, je suis à la fois le sujet et l’objet de cette réflexion. Mais cet objet réfère, en fait, à des sujets qui sont à la fois les mêmes et différents : le débutant, le novice, l’imprégné par l’analyse structurale, le complice des paradigmes de l’action et de l’ethnographie microscopique, le consultant. Le recul historique dont je dispose me permet de déceler les différences et les similitudes que couvrent le Je.
Par Hassan Rachik
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