A l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance de l’Algérie, Zamane revient sur un aspect souvent ignoré : le dilemme de Mohammed V, partagé entre le désir de recouvrer sa propre souveraineté, comme le lui propose la France, et celui de poursuivre la lutte anticoloniale aux côtés de son voisin de l’est.
Dans le même témoignage, Ben Bella révèle que sa relation avec Habib Bourguiba était mauvaise. Car, précise-t-il, en raison de l’accord qu’il a conclu avec les Français, Bourguiba s’attaquait aux « caravanes qui nous transportaient des armes (…). Ils (les Français) l’ont transformé en gendarme, leur gendarme ». Ces affirmations du premier président de la République algérienne en disent long sur la profondeur des liens qui ont réuni les combattants pour l’indépendance du Maroc et de l’Algérie. Ainsi, une bonne partie des combats menés par l’Armée de libération nationale algérienne (ALN) entre 1955 et 1962 sont menés à partir du territoire marocain. Cette composante de l’ALN est d’ailleurs surnommée « Armée des frontières ». Des dirigeants comme Houari Boumediène, Abdelaziz Bouteflika ainsi que Mohammed Boudiaf, jusqu’à son arrestation par les Français en octobre 1956, passent plus de temps côté marocain qu’ailleurs pendant toute la durée de la lutte armée. Plusieurs ténors du FLN et de l’ALN sont logés chez l’habitant à Oujda, Nador ou Figuig. Fondus qu’ils sont parmi les populations locales, les services secrets de l’armée française peuvent difficilement mettre la main sur eux. Autre exemple, à valeur symbolique, de l’imbrication des destins des mouvements de libération du Maroc et de l’Algérie : le 8 mai 1945, alors que l’armistice mettant fin à la Seconde Guerre mondiale est signé en Europe, sont déclenchés à Sétif et Guelma des événements sanglants d’une gravité extrême. La population algérienne se révolte. Il s’ensuit une répression militaire qui ne fait pas dans le détail. Les estimations du nombre de morts oscillent entre 10 000 et 45 000. Ces émeutes, qui sont considérées par certains comme le vrai début de la révolution algérienne, sont matées dans le sang par le général Duval. Celui-ci, qui atteindra le grade de général de corps d’armée cinq étoiles, meurt alors qu’il dirige personnellement, en août 1955 et en tant que commandant supérieur des armées françaises du Maroc, la répression quasiment aussi sanglante des émeutes de Oued-Zem-Boujaâd, également perçues par les Marocains comme la première vraie étincelle de la lutte révolutionnaire qui met le Maroc sur le chemin du recouvrement de sa souveraineté.
Par Maâti Monjib
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