… Ni la résistance armée, où se sont jetés des jeunes gens, voire des adolescents, prenant parfois de lourdes responsabilités. Qui étaient-ils ?
Jeunes, ils le sont par leur classe d’âge, mais aussi en tant que frange stratégique, entreprenante et pionnière. La majorité de ceux qui ont fondé ou adhéré à des cellules de résistance armée sont nés à la fin des années 1920 ou au début des années 1930. Au moment des faits, ils ont entre 18 et 24 ans. La plupart n’en ont pas 30 à l’Indépendance, beaucoup ont perdu la vie avant. Vers la fin des années 1940, un nombre non négligeable de ces jeunes résistants se trouve au sein d’une frange stratégique encadrée par les autorités du Protectorat depuis 1937. Le pari des Français est de favoriser une certaine proximité entre jeunes Marocains et Européens installés au Maroc grâce à des espaces de socialisation communs, comme les clubs mixtes. L’objectif est de promouvoir une société « tolérante » où la concorde et l’amitié effaceraient toute tendance conflictuelle.
D’autres jeunes font l’objet d’un autre pari, celui des formations politiques de la mouvance nationaliste, qui ont créé leurs propres lieux de socialisation. Pour assurer la pérennité de la mouvance, les nationalistes intègrent les jeunes dans le circuit des écoles arabes libres, les associations de scouts, de femmes, les mouvements des jeunesses partisanes, du syndicalisme ou encore du théâtre naissant. Un troisième groupe de jeunes résistants n’appartient à aucune de ces deux catégories. Ils intègreront les cellules de la résistance armée sans aucune expérience antérieure.
Le début de la résistance armée n’est le fruit ni d’une stratégie des aînés, ni d’une programmation par un groupe opposé aux formations politiques légales. C’est une initiative spectaculaire portée par des jeunes gens de tous bords, critiques vis-à-vis des acteurs politiques de l’époque. Cette rupture dans les formes d’action résulte du concours de conditions objectives et subjectives. Il y a d’abord la fin de la Seconde Guerre mondiale et une nouvelle ère qui s’ouvre, porteuse d’une culture de liberté et d’égalité. Il y a ensuite la marginalisation des Marocains dans leur propre pays, surtout après la nomination du général Juin comme résident général (en 1947). Il y a enfin la répression systématique de toute action sociale ou politique, instaurée par les ultras du colonialisme suite aux massacres du 7 avril 1947 à Casablanca. D’ailleurs, c’est après ce carnage que l’idée de répondre à la violence coloniale par une violence révolutionnaire fait son chemin dans l’esprit des futurs jeunes résistants. Elle commence à être mise en œuvre en 1952, l’année des grandes manifestations condamnant l’assassinat du leader syndicaliste Ferhat Hachad. La résistance armée se généralise et se radicalise après la déposition du sultan Mohammed Ben Youssef et son exil à Madagascar, organisés par le général Guillaume en août 1953.
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Par Mohammed Maârouf Dafali
Professeur d’histoire à l’université Aïn Chock de Casablanca, Mohammed Maârouf Dafali dirige la revue historique Amal. Il est spécialiste de la résistance marocaine et du parti de la Choura (PDI).