Dans le Maroc traditionnel, le sultan avait besoin d’hommes et de ressources pour imposer son autorité. Mais pas seulement. Il lui fallait en plus convaincre le peuple du bien fondé de sa présence au sommet de l’Etat.
Le Saâdien Ahmad al-Mansur a depassé tous ses prédécesseurs dans l’art de gouverner, et depuis nos sultans n’ont fait que reproduire ses mises en scène. En accédant au trône en 1578, le chérif avait hérité un empire et des victoires qui lui ont valu un nom des plus prestigieux. Ses troupes étaient invincibles même face aux armées européennes après l’humiliante défaite du Portugal à Ksar El Kebir. Et ses coffres étaient bien garnis par le butin de guerre et le rachat de milliers de prisonniers portugais. Une grande victoire qu’il fallait inscrire en pierre et en marbre, pour qu’elle reste témoin d’un grand règne et d’un grand sultan qui avait plein d’atouts à faire valoir.
L’avant-scène
Aussitôt pensé, aussitôt fait. Al-Mansur ne perdit pas de temps et s’attela à l’exécution d’un grand projet, l’année même de sa victoire : la construction d’un palais unique en son genre, qui n’avait pas d’égal dans tout l’occident musulman et auquel il donna le nom d’al-Badi’ ou l’incomparable. Pour sa construction, il fera venir des architectes et des artisans de toutes les villes du pays et même d’Europe. Pour les matériaux de construction, il ne sera satisfait que du meilleur: le bois de cèdre de l’Atlas pour les plafonds et les coupoles, le marbre d’Italie pour le parterre et les colonnes, et le zellige andalou pour le revêtement des murs. L’historien al-Ifrani nous dit que pour obtenir le marbre italien, le sultan était prêt à l‘échanger pour le sucre raffiné «once pour once».
Lire la suite de l’article dans Zamane N°98 (janvier 2019)