Alors que la littérature carcérale marocaine abonde de témoignages, des personnages clés de cette sombre tragédie demeurent toujours dans l’ombre. Les prisonniers les appellent les anges gardiens. Ces fonctionnaires des prisons et bagnes secrets ont risqué leurs vies pour soulager celles des autres. Eclairage.
C’est ma nature, je n’ai accompli que ce que m’a dicté mon cœur». Un cœur d’or entre des murs de pierres. Si Mohamed Cherbdaoui a passé 18 ans au bagne de Tazmamart. Son témoignage n’a pourtant jamais fait l’objet d’un livre, car «Jeff », comme on le surnomme, n’a jamais été condamné par le régime. Son rôle était de surveiller les détenus du fameux mouroir des années de plomb. Humblement, il nous livre l’autre versant des récits bouleversants des victimes de la détention secrète.
Dans l’exercice de ses fonctions, Mohamed Cherbdaoui a pris des risques colossaux. En apportant des médicaments ou en acheminant le courrier des prisonniers, il s’est exposé à la mort, ou, pire, à garnir les cellules de ceux qu’il devait surveiller. «Jeff» fait partie de ceux que l’on appelle les «Anges Gardiens». Leur nombre n’est pas quantifié et leurs traces dans la mémoire douloureuse des années noires, quasiment inexistantes. Ces oubliés de la réconciliation paient aujourd’hui leur discrétion, et surtout le fait d’avoir fait partie du mauvais camp, celui des oppresseurs.
Par Sami Lakmahri
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