Le conte marocain foisonne de personnages aussi bien fantasques, fantastiques, fantaisistes et parfois fanfarons. Pourtant cette profusion semble bien être l’arbre qui cache la forêt. Le conte marocain se limite bien à quelques personnages-type remplissant certaines fonctions bien structurées qui racontent les relations (in)humaines de la société marocaine en général. Dépouillage.
D’emblée, le héros semble bien incarner le protagoniste autour de qui se coagule le récit. Celui-ci provient souvent du bas de l’échelle sociale tel un bûcheron (Françoise Legey, «Histoire du bûcheron et de l’afrit») ou bien un commerçant ruiné et endetté. Le héros peut également être une héroïne (Legey, «La jeune fille et les sept frères») en provenance d’une famille pauvre. Cependant, le héros peut pareillement appartenir à la classe des possédants. Le fils ou la fille d’un négociant cossu, un prince, etc. À chaque fois la liste est non exhaustive. In globo, le héros sans pouvoir est justement en opposition avec les autres personnages qui possèdent le pouvoir et en font mauvais usage (le méchant ou le faux-héros). L’espace du conte est donc un parcours souvent initiatique menant le héros de l’anonymat à la reconnaissance. Il finit par être récompensé à la fin du récit. En revanche, l’émancipation de l’héroïne par ses propres moyens semble exclue. Seul ressort ; le mariage heureux. On pèse bien ici l’empreinte du caractère patriarcale de la société sur l’imaginaire narratif. L’homme reste, dans tous les cas, le sauveur de la femme de n’importe quelle situation (viol, maltraitance, sorcellerie, enchantement, etc.). Malgré leur forte présence et l’importance qui leur est accordée, les personnages féminins n’acquièrent un statut qu’à travers la consanguinité ou l’alliance: les femmes sont filles de, soeurs de, épouses de, co-épouses de, mères de, marâtres de, etc. En dehors de ces rôles, les femmes sont réduites à être des esclaves, des suivantes, etc. Leur identité sociale est rarement définie par l’exercice d’un métier. Les femmes dans les contes que nous avons recueillis ne sont ni couturières, ni brodeuses, ni tisserandes, etc.
Par Farid Bahri
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