Entre mellah mental et sirènes d’une émancipation à l’occidentale, les juifs du Maroc n’ont pas su renouer avec leur assimilation millénaire lors de l’«invention» du sentiment national.
«Du côté de la minorité juive, quelle a été l’attitude vis-à-vis du mouvement national ? Pour une série de facteurs, favorables ou négatifs, elle ne pouvait être simple, linéaire, mais au contraire, contradictoire». C’est ainsi que Simon Levy, le militant politique, amorce la problématique du rapport des «Israélites» marocains au pays, leur pays depuis plus de deux mille ans, à un moment crucial de sa lutte pour l’indépendance – moment sommairement considéré comme «l’aube d’une nouvelle ère». La question est d’autant plus provocante qu’un mythe fondateur de la nation marocaine laisse croire que cette nation a toujours existé en tant que telle, et que les Marocains (à quelques exceptions près) ont participé à la lutte pour l’indépendance. Les traîtres étaient trop peu nombreux. Parmi eux… les juifs. On dit qu’alors que les musulmans se sacrifiaient pour retrouver honneur et identité propre, les juifs, eux, sentant l’échéance de l’heure de la protection coloniale, préparaient la fuite vers d’autres cieux, vers Israël entre autres. Ils n’ont pas pu, et ne pouvaient point, croire à l’appartenance à la nation marocaine ?
Bien entendu cette représentation donne une image très déformée de la réalité, comme bien des stéréotypes. Nul élan patriotique ne peut se passer d’un ennemi de l’intérieur, allié naturel de l’ennemi venu d’ailleurs. Des travaux de recherche historique notoires et précurseurs ont eu le mérite d’élucider les parcours des communautés juives marocaines. Ils ont montré comment, d’épreuve en épreuve, un certain schisme s’est instauré, favorisant par la force des choses l’émergence d’une conception propre de ce que doit être le rapport à la nation majoritaire. Cette conception ne pouvait trouver terreau sur le sol marocain, totalement acquis à un nationalisme d’essence orientale, islamique et arabisant. La thèse de Mohammed Kenbib est à ce titre, une référence magistrale.
Lire la suite de l’article dans Zamane N°5
Par Mohammed Hatimi